Activité aléatoire, érosion durable des prescriptions, boom des conseils et de la télémédecine : comment le Covid a chamboulé la médecine de ville

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Publié le 05/05/2021
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Crédit photo : Phanie

Plus d'un an après le déclenchement de la crise sanitaire, les généralistes et les spécialistes libéraux ont-ils retrouvé leur niveau d'activité clinique ? L'épidémie a-t-elle impacté les habitudes des patients et la pratique des médecins de ville ? Une étude inédite de la société IQVIA, un des leaders mondiaux des données de santé, permet de tirer plusieurs enseignements sur la reprise d'activité en ville, l'essor de la téléconsultation, la baisse prolongée des prescriptions et… le phénomène croissant des consultations sans prescriptions.  

Activité des généralistes : après l'effondrement, une reprise nette

Après la chute d'activité spectaculaire pendant le premier confinement déjà bien documentée (de mars à mai 2020), « avec en moyenne 70 consultations par semaine et par praticien » (versus 115 en temps normal, soit -40 %), puis un léger ralentissement lors du deuxième confinement de novembre 2020 (-5 %), le niveau d'activité de mars 2021 est « extrêmement proche » de celui de la situation d'avant-crise Covid. Le couvre-feu, en vigueur depuis janvier, ne semble pas avoir d’impact sur le nombre moyen hebdomadaire de consultations des MG, explique l'étude.

                               Nombre hebdomadaire de consultations par médecin généraliste

histogramme bobre hebdo

 

Effet durable sur l'érosion des prescriptions

Parallèlement, le niveau de prescriptions en médecine générale subit le même impact mais sans retrouver le niveau d'avant crise. En chute libre pendant le premier confinement (- 50 %), les prescriptions se redressent à partir de Pâques, « sans jamais retrouver le niveau de l’an passé ». Si le deuxième confinement a eu moins d’impact, le niveau de prescriptions s'affiche toutefois en baisse de 20 % par rapport à la même période l’an passé. Mais surtout, l'étude n'a pas noté de « remontées significatives des prescriptions » après le déconfinement de décembre et les 9 premières semaines de l’année 2021.

Consultations sans prescriptions, la nouvelle donne

Le fait le plus marquant de cette étude est l'« augmentation régulière » des consultations sans prescription médicamenteuse depuis le début de la crise, passant à 38 % en mars 2021 (contre 31 % en mars 2019 et mars 2020). Plusieurs hypothèses sont avancées par IQVIA : la hausse des consultations de « prévention », « à cause de symptômes légers ne nécessitant pas de traitement ». Et la croissance des recours pour un simple avis médical ou prescription de tests de dépistage Covid. « Il y a aussi un besoin des patients de consulter pour avoir de l'écoute ou des conseils autour notamment de la vaccination », explique ce mercredi Edwige Benis, directrice des études et du consulting chez IQVIA France.

 

Taux de consultations sans prescriptions de médocs

 

Actes à distance, le boom

L'étude confirme sans surprise « l'explosion » de la téléconsultation dans la pratique généraliste (près de 20 millions d'actes à distance en 2020) même si cette activité reste minoritaire dans l'exercice. « En mars 2021, 50 % des médecins généralistes ont effectué au moins une téléconsultation alors qu’ils n’étaient que 4 % en janvier 2020 », résume l'étude pour illustrer cette dynamique (le taux de généralistes concernés avait même atteint 62 % en avril 2020). Autre constat : cette pratique est davantage ancrée chez les jeunes médecins, mais sans que cela soit spectaculaire. En mars 2021, 11 % des généralistes de moins de 50 ans ont effectué une part « importante » de leur activité à distance. Ils ne sont que 8 % chez les plus de 60 ans.

Impact moindre chez les spécialistes mais…

La société IQVIA a analysé l'activité clinique de huit spécialités libérales (cardiologues, endocrinologues, neurologues, psychiatres, rhumatologues, gynécologues, gastro-entérologues et pneumologues). L'impact de la crise est réel mais moins marqué. Après une baisse « conséquente » des consultations lors du premier confinement (jusqu’à mi-avril 2020), la reprise a été progressive jusqu’à fin mai avant retour rapide au niveau habituel constaté avant la crise, y compris pendant le deuxième confinement (en moyenne 67 consultations par spécialiste par semaine). « Cette tendance se confirme pour le début de 2021 », peut-on lire. 

Quant aux prescriptions médicamenteuses des spécialistes, après une baisse importante au printemps 2020, il est redevenu lui aussi habituel. Et chez les spécialistes, IQVIA n'a pas observé de hausse des recours sans prescriptions. « La consultation chez le spécialiste est plus délimitée dans un champ d'expertise précis. Le patient est donc moins proactif pour chercher des conseils ou parler davantage des problèmes liés à la santé mentale ou à la vaccination. Cela reste une hypothèse », affirme Edwige Benis.

Le recours à la téléconsultation s'est installé « doucement » dans le quotidien du spécialiste. Après une hausse de cette pratique pendant le premier confinement (jusqu'à 15 actes par semaine), le procédé « s'essouffle » chez les spés et s'est stabilisé à sept téléconsultations hebdomadaires.


Source : lequotidiendumedecin.fr