Au congrès des jeunes généralistes de ReAGJIR, des jeux de rôle pour désamorcer les conflits et cultiver l'empathie

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Publié le 04/06/2021

Crédit photo : Phanie

Ce vendredi, une vingtaine d’internes en médecine générale et de jeunes généralistes ont participé à une expérience singulière : un jeu de rôle pour apprendre à mieux communiquer avec son patient et désamorcer les éventuels conflits. Organisé dans le cadre des rencontres nationales de ReAGJIR (3 et 4 juin à Orléans), cet atelier original posait les bases de la « communication non violente ».

« Lors de nos études, nous n’apprenons pas à vraiment à communiquer avec le patient », a lancé une jeune généraliste. Le processus de communication non violente (CNV) a été mis au point par un psychologue américain, Marshall Rosenberg. Une méthode qui s'emploie à enrayer les conflits, les situations d’énervement et d’incompréhension, en basant son approche sur l’écoute et l’empathie.

Exprimer ses sentiments

En cette matinée d’atelier, les participants étaient d’abord invités à exprimer ce qu’ils aiment dans leur métier de généraliste. Et la réponse fut unanime : la relation humaine avec le patient, « le sentiment de rendre service », « d’apaiser mon patient », « la naissance d’une relation au long cours ». Malgré tout, « on s’investit beaucoup, et parfois il est difficile de gérer cet investissement qui n’est pas reconnu, ce qui peut mener au conflit », a confié une jeune remplaçante.

Pour mieux appréhender cette communication bienveillante, les jeunes médecins ont été conviés à s’exprimer par petit groupe de deux. Deux inconnus qui doivent, tour à tour, expliquer à l’autre comment ils se sentent ou comment ils aiment être écoutés. L’ambiance se réchauffe et des premiers liens se créent dans la salle.

Écouter… presque en silence 

Un second jeu de rôle a pris le relais. Cette fois, l’exercice consistait à écouter son acolyte raconter, pendant cinq minutes, une situation difficile vécue avec un patient. Sans pouvoir réagir verbalement, sans rebondir ni poser de questions. L’idée de ce jeu de rôles est, entre autres, d’apprendre à écouter en toute neutralité. 

« La communication non violente propose une alternative au mode de communication habituel, centrée sur l’intention et l’attention », explique Estelle Bailly, spécialiste de cette approche. L'empathie est au centre de cette relation patient/médecin. « L’empathie est une qualité d’écoute, libre de tout préjugé. Une présence apportée à autrui connecté à ce qu’il ressent. C’est écouter les besoins que le patient tente d’exprimer », poursuit Estelle Bailly. Et c’est là toute la difficulté : ne pas chercher forcément à consoler, à être sympathique, à établir un diagnostic ou à conseiller immédiatement, mais simplement offrir une écoute, presque silencieuse. Une démarche parfois contre-intuitive pour le médecin.

18 secondes d'écoute active ?  

« Je me rends compte que je n’écoute pas assez mon patient », exprime un interne en médecine générale à la fin du jeu de rôles. Un autre ajoute : « En début de consultation, je disais souvent « qu’est-ce qui vous amène ? », mais désormais j'ai pris le parti de dire « je vous écoute » et je me suis rendu compte que les patients se livraient beaucoup plus ». Une étude canadienne menée dans les années 80 avait montré que le temps d’écoute active du médecin – avant d’interrompre son patient – était de 18 secondes.

En pratique, face à un conflit, Estelle Bailly invite le médecin à faire exprimer ses besoins au patient, puis… à les reformuler. « Clarifier ses besoins est une valeur sûre pour établir un lien. Lorsque l’on reste dans la sphère des besoins du patient, il n’y a jamais de conflit ». « Il faut être dans l’observation plutôt que dans l’interprétation dans ses mots, car l’observation reste neutre, factuelle », conseille-t-elle encore. Les mots qui entravent une relation apaisée sont souvent ceux du jugement, des reproches, de la comparaison (« mieux », « pire ») ou de la généralisation (« souvent », « toujours »).

Prendre du recul

Une fois les besoins exprimés, l'objectif est de chercher des solutions à deux. En questionnant, sans impératifs. « Tout ce processus permet de transformer des situations désagréables, pas à pas », insiste Estelle Bailly. Le médecin lui-même ne doit pas non plus s’oublier. Il est poussé à exprimer ses sentiments, à s’écouter soi-même, pour prendre du recul sur une situation conflictuelle et exercer avec plus de discernement.

Si ce jeu de rôle n’est qu’une sensibilisation à la communication non violente – longue à appréhender – les jeunes médecins déclarent en ressortir plus sereins, à l'aube de leur carrière médicale.


Source : lequotidiendumedecin.fr