Un dommage collatéral de la pénurie médicale

Certificats de décès : une si longue attente

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Publié le 20/01/2020
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De nombreux élus font état de délais excessifs pour obtenir des certificats de décès à cause de la désertification médicale. Les syndicats tempèrent, mais la situation amène les localités à prendre des mesures pour s'organiser.
Le week-end, le médecin est payé 100 euros pour un examen pré-certificat

Le week-end, le médecin est payé 100 euros pour un examen pré-certificat
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Des délais de deux, voire trois jours pour obtenir un certificat de décès dans les zones touchées par la désertification médicale en France. Le problème n'est pas nouveau, mais depuis plusieurs mois, la presse régionale se fait l'écho de situations ubuesques, où les familles de défunts attendent longuement pour récupérer le fameux papier bleu, sur lequel le médecin constate la date, l’heure et les circonstances du décès.

Le sujet fait tellement parler de lui, que même Le « New York Times » y a consacré un article en décembre – en rappelant qu'aux États-Unis, infirmières, médecins légistes ou officiers de police peuvent constater un décès, ce qui n'est pas le cas dans l'Hexagone, où seuls les médecins sont habilités à le faire. Le quotidien américain relate l'attente de deux familles de la région de Douai (Nord) pour obtenir le certificat de décès et donc emporter le corps du défunt. Dans l'un des cas, le maire a attendu tout un week-end la venue d'un médecin pour un homme de 63 ans, décédé le vendredi soir et certifié mort le lundi midi. Même combat dans l'Hérault, où le maire de Nizas a mis une journée entière à trouver un médecin disponible. Dans un EHPAD du même département, le corps d'un patient décédé le vendredi n'a pas bougé jusqu'au lundi matin…

100 euros la nuit et le week-end

Ces situations, souvent mal vécues par les familles, ont donné lieu à des réactions des pouvoirs publics – même si « aucun texte n’impose de délai pour l’établissement du certificat de décès », rappelle l'Ordre des médecins. À La Gresle (Loire), la maire a ainsi pris un arrêté municipal pour interdire à ses administrés de mourir le week-end dans la commune, après avoir mis trop de temps à trouver un médecin pour constater le décès d'un résident de l'EHPAD local. Dans la Creuse, un partenariat a été signé cet été entre la gendarmerie, la police, la préfecture, le parquet de Guéret et l'Ordre départemental avec des praticiens retraités pour accélérer la délivrance des documents.

La loi de santé votée à l'été 2019 permet également aux praticiens retraités volontaires, aux internes et aux praticiens à diplôme étranger hors Union européenne (PADHUE) autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences, d'établir ces certificats.

Enfin, depuis 2017, un forfait d'un montant de 100 euros (versé par la CPAM) permet aux médecins libéraux et salariés des centres de santé d'être rémunérés pour l’examen nécessaire à l’établissement du certificat de décès, sans avance de frais du patient, la nuit entre 20 heures et 8 heures ; le samedi, le dimanche et les jours fériés de 8 heures à 20 heures ; et les lundis précédant un jour férié, vendredi et samedi en suivant un, de 8 heures à 20 heures. Dans les zones « fragiles » définies par l'ARS, ce forfait est valable de 8 heures à 20 heures.

Une rémunération « correcte mais aux conditions d'application trop restrictives », précise le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. « L'établissement d'un certificat de décès est toujours indemnisable quel que soit le lieu ou l'heure, c'est un acte qui prend du temps, car il y a deux temps, le certificat lui-même et puis le moment pour réconforter et parler les proches. La rémunération ne doit plus être bornée », estime le Dr Battistoni.

Du côté de la FMF, on rappelle que cet acte est un moment certes « difficile », mais qui ne constitue pas une urgence. « C'est plus ou moins difficile pour un généraliste de trouver le temps de le faire, cela dépend des territoires, indique le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. En Angleterre, l'infirmière peut rédiger le certificat de décès lorsque celui-ci est attendu, lors d'une fin de vie avec un suivi à domicile en lien avec le médecin traitant. » Les difficultés sont donc liées à l'organisation territoriale des soins, comme le souligne également le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. « En Mayenne, il n'y a pas de souci la journée. Et en soirée, l'appel nous parvient par la régulation et le médecin d'astreinte bénéfice de la tarification spécifique, assure le Dr Duquesnel. Mais quand la PDSA est mal organisée, c'est sûr, cela pose problème ! »

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin