Complémentaires santé et privatisation : l’inquiétude des médecins et des patients

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Publié le 25/09/2015

Commandé par le Syndicat des médecins libéraux (SML) pour son congrès national, qui se tient à Marseille jusqu’à samedi, un sondage Opinionway, que révèle « le Quotidien », illustre la défiance des médecins libéraux à l’égard du projet de loi de santé mais montre aussi l’inquiétude des Français sur des points précis des réformes en cours. 1 019 Français et 610 médecins ont été interrogés par questionnaire électronique, selon la méthode des quotas, par l’institut Opinionway*.

Poids accru des complémentaires : le risque de privatisation

La première question porte sur les conséquences à terme de la montée en puissance des complémentaires santé dans la définition des politiques de santé – notamment à la faveur du tiers payant généralisé obligatoire inscrit dans la loi Touraine.

Selon le sondage, 79 % des patients craignent l’évolution vers une médecine à deux vitesses, 76 % d’entre eux redoutent un risque de privatisation de la santé, 75 % une diminution de la liberté de prescription, 55 % une réduction du temps de consultation. Les jugements les plus sévères s’observent parmi les Français âgés de 25 à 34 ans.

Les médecins sont encore plus radicaux dans leur rejet. 89 % craignent (toujours à la faveur de la montée en puissance des complémentaires) un pas vers la privatisation de la santé, 95 % une diminution de leur liberté de prescription, 77 % redoutent une diminution du temps de consultation. Les médecins de secteur II ont un jugement plus sévère que leurs confrères de secteur I.
 

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Le danger de la carte sanitaire ?

Le sondage aborde aussi la question de l’accessibilité et de la qualité des soins. Sont-elles mieux garanties par « une offre de soins de proximité basée sur la présence de professionnels de santé sur tout le territoire », ou par « un regroupement de professionnels de santé dans des centres de soins, comme les maisons de santé » ? À la question ainsi posée, 62 % des Français et 87 % des médecins libéraux répondent privilégier une offre de soins de proximité plutôt qu’une organisation regroupée davantage planifiée par l’administration.

Adhésion mesurée aux outils numériques dans la pratique

À la question « Voudriez-vous que votre médecin utilise plus les outils numériques (télémédecine, téléexpertise et objets connectés) dans sa pratique professionnelle ? », 66 % des Français répondent par l’affirmative. Et 55 % des médecins seraient prêts à jouer le jeu. Chez les Français, l’adhésion aux outils numériques est plus forte chez les 25-49 ans que chez leurs aînés. Côté médecins, elle est plus forte chez les spécialistes et chez les praticiens de secteur II.

La qualité du système de santé reconnue

Le jugement global sur le système de santé actuel reste positif chez les patients : 73 % des Français se déclarent satisfaits (9 % très satisfaits et 64 % plutôt), pourcentage qui grimpe chez les seniors (85 %).

Côté médecins, à noter que seuls 3 % se disent très satisfaits et 52 % plutôt. Le médecin qui se déclare satisfait est plus souvent une femme (57 % contre 53 %), plutôt un spécialiste (59 % contre 48 % chez les généralistes) et un praticien de secteur II (59 % contre 48 % pour le secteur I).

Quelles leçons ?

Sans surprise, le SML en conclut que les médecins libéraux et les Français sont « vent debout » contre le projet de loi de santé. « Le sondage montre que les Français sont inquiets, et qu’ils ont peur d’une privatisation rampante à travers la mainmise des mutuelles », résume le Dr Eric Henry, président du SML. Notre système de santé actuel est bon et reconnu comme tel, ajoute-t-il en substance. « Les patients sont satisfaits de la relation qu’ils entretiennent avec leurs soignants, ils n’imaginent pas un monde dans lequel ils seraient soignés par des professionnels qu’ils ne connaîtraient pas, qu’ils n’auraient pas choisis ».

* Le terrain a été réalisé les 26 et 27 août 2015 pour le grand public et du 24 juillet au 8 septembre 2015 pour les médecins
H. S. R. et C.D.

Source : lequotidiendumedecin.fr