Des enfants gâtés, les médecins ? La mise au point cinglante d’un généraliste de Vendée

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Publié le 16/07/2022

Crédit photo : PHANIE

Ce sont des propos qui ont fait bondir les médecins de la région. Début juillet, les maires de Vendée, réunis en assemblée générale, tiraient à boulets rouges sur les praticiens, tenus responsables des difficultés d’accès aux soins des habitants et accusés de délaisser les urgences la nuit. « Surenchère des médecins intérimaires », « payés très cher pour qu’ils aillent dans les centres de vaccination », « enfants gâtés »… les attaques ont fusé, comme le rapporte « Le journal du Pays Yonnais ».

« Nous l’avons vécu comme une injustice », confie au « Quotidien » le Dr Romain Bossis, jeune généraliste de La Roche-sur-Yon, vice-président de la CPTS locale et également membre de MG France. « La plupart des confrères sont tous hyper investis sur le territoire. Cela fait des mois qu’on prend des initiatives, qu’on s’implique dans des projets innovants pour améliorer l’accès aux soins. Alors se faire bâcher par des élus locaux qui devraient au contraire nous soutenir dans nos actions…, s’offusque le Dr Bossis. Ce n’est pas en tenant ce genre de propos qu’on améliorera l’attractivité du métier. »

Une vision vieillotte de la médecine

Pour le généraliste, c’est une « petite musique » que l’on entend depuis plusieurs mois. Un « doc bashing » qui démontre surtout, selon lui, que les élus ont « une vision un peu vieillotte de la médecine ». « Ils veulent tous leur médecin au pied du clocher alors que les modèles aujourd’hui sont plus dans une logique d’équipe et de territorialité », explique-t-il.

Forcer les jeunes à s’installer dans les zones sous-médicalisées ? Restreindre la liberté d’installation, comme le veulent les maires ? « Ce sont des solutions qui ne fonctionnent pas, rétorque le généraliste. Où prendre des médecins ? Aujourd’hui, les zones surdotées, il n’y en a presque pas. Ce qu’il faut, c’est nous redonner du temps médical pour nous permettre de prendre plus de patients. »

Le Dr Bossis cite les cas du Royaume-Uni et de l’Allemagne où un praticien prend en charge en moyenne 2 000 à 3 000 patients quand il en prend 1 000 en France. La recette ? « Il faut donner plus de moyens administratifs, logistiques et humains, à la médecine générale, permettre à ceux qui le souhaitent d’embaucher des assistants médicaux, des IPA, de prendre en stage des internes… Le médecin doit avoir la possibilité de constituer une équipe autour de lui pour se consacrer essentiellement à l’exercice médical. C’est une des solutions pour résoudre le problème de l’accès aux soins », détaille le syndicaliste. Il cite les chiffres de l’Assurance-maladie qui évalue à 10 % le nombre de patients supplémentaires pris en charge par les généralistes secondés par des assistants médicaux.

La délégation de tâches ? « Une fausse bonne idée »

En revanche, la délégation de tâches, telle qu’elle est aujourd’hui pensée (vaccination, prise en charge des angines et des cystites…), est une « fausse bonne idée » selon lui. « La médecine générale, c’est la prise en charge globale du patient. Quand une patiente vient vous voir pour un problème mineur, qui se règle en deux minutes, une angine par exemple, c’est l’occasion d’évoquer avec elle son tabagisme, sa contraception, son moral, ses projets de grossesse… Si on n’a pas ces opportunités de soins, on risque de passer à côté de quelque chose. »

Le Dr Bossis appelle les élus locaux à travailler main dans la main avec les médecins pour trouver des solutions, à les épauler et à leur faire confiance. « Les professionnels de santé ne sont pas en grande forme aujourd’hui. Il y a eu le Covid et il y a ce problème de l’accès aux soins que nous vivons au quotidien nous aussi, rappelle-t-il. Ce n’est pas le moment de nous taper dessus. »


Source : lequotidiendumedecin.fr