Travail en équipe, nouveaux modes de rémunération

Des pistes pour éviter l'envolée des dépenses des malades chroniques

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Publié le 19/10/2017
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« Faire rentrer les maladies chroniques dans le modèle des maladies aiguës serait le pire des scénarios. »

Le Pr André Grimaldi a lancé cet avertissement solennel en ouverture des débats organisés lors de récentes rencontres interprofessionnelles, à l’Académie de médecine. Avec vingt millions de personnes déjà concernées par une pathologie chronique, cela conduirait, selon le célèbre diabétologue de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) à prendre en charge dix-sept millions de patients en affection de longue durée d’ici à 2020. « C’est aujourd’hui un problème majeur à résoudre », insiste le médecin, auteur d'un récent ouvrage sur le sujet*. Les prises en charge à la fois biomédicales, éducatives, psychologiques et sociales multiplient d’abord les interventions, les cloisons entre professionnels et font bondir les coûts. Ce scénario du pire lui semble pourtant évitable par le regroupement des acteurs de soins primaires dans des maisons, centres ou pôles de santé où les professionnels décident d’exercer ensemble. Pas si simple selon le Dr Richard Lopez, président de la fédération nationale (FNCS) qui regroupe les 1750 centres de santé. « Nous sommes clairement en retard par rapport aux organisations existantes dans les autres pays de l’OCDE, mais aujourd’hui on nous demande de courir alors que nous ne savons pas marcher ensemble », déplore-t-il. Il faudrait, ajoute le médecin, revoir d’urgence leurs financements, les repenser autour de l’organisation du travail en équipe. Le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF se dit prêt à tester de nouveaux modes de rémunération, pour faciliter entre autres, la prise en charge à domicile des insuffisants cardiaques.

De multiples verrous à faire sauter

Ce mouvement semble enclenché et de premiers paiements au parcours pourraient être expérimentés dès 2018. La ministre de la Santé y semble favorable mais tout reste à faire. Le Dr Élisabeth Hubert promet de ne pas manquer l’occasion de le rappeler à Agnès Buzyn très prochainement. « Il va falloir que les agences régionales de santé mettent les mains dans le cambouis, qu’elles se retroussent les manches et que le dialogue se noue », prescrit l’ancienne ministre de la Santé. Les verrous sont encore multiples et solides. Du côté des ophtalmologistes, déjà bien rodés au partage des tâches avec les orthoptistes, les choses ne paraissent pas si simples. Le Dr Jean-Bernard Rottier, ancien vice-président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) estime qu’il faut en moyenne deux ans pour faire accepter une nouvelle cotation à l'assurance-maladie, les forfaits n'étant selon lui jamais payés en temps et en heure. « Ces rémunérations ne semblent pas pérennes et nous avons toujours le sentiment que nous pouvons laisser notre chemise dans ces expérimentations », témoigne-t-il. Avec la rémunération des premiers parcours de soins pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques, c’est la rémunération au forfait dans son ensemble qui passe au banc d’essai.

* « Les Maladies chroniques : vers la troisième médecine », du Pr André Grimaldi, Yvanie Caillé, Frédéric Pierru et Didier Tabuteau, éd. Odile Jacob, 772 pp., 25 euros.

Laurence Mauduit

Source : Le Quotidien du médecin: 9611