Des tables connectées de télé-ophtalmologie directement chez les opticiens ? Les ophtalmos du SNOF voient (toujours) rouge

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Publié le 01/02/2021
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Crédit photo : Tessan

Réaliser les principaux examens visuels et les dépistages de pathologies oculaires chez son opticien à distance… Voilà la promesse de la start-up de medtech Tessan, qui a mis au point une table connectée de télé-ophtalmologie high-tech, à installer directement en magasin d'optique pour remédier aux délais d'attente dans cette spécialité.

Son plateau, long de deux mètres (photo), se compose d'appareils aux noms barbares : autoréfracto-kérato-tono-pachymètre et topographe cornéen, à quoi s'ajoutent un rétinographe non mydriatique et un réfracteur avec un frontofocomètre.

Tessan souhaite installer cette table multifonction dans les magasins d'optique et les centres de santé. Le patient viendrait y faire ses examens conduits et coordonnés en vidéo par un orthoptiste. « Il pilote à distance les différents appareils et réalise un dépistage santé complet comme le glaucome, la cataracte ou la DMLA », explique Neil Sabbah, directeur commercial de la start-up.

50 euros l'examen à distance

L'objectif affiché est de faciliter l'accès à la filière de soins visuels, dans un contexte de pénurie médicale. « Les patients attendent en moyenne 90 jours pour un rendez-vous et dans certaines régions, l'attente est proche de deux ans car il n'y a plus de spécialistes alors que la demande en soins visuels est forte », souligne Neil Sabbah. 

Une fois les examens réalisés, l'orthoptiste adresse les données à un ophtalmologiste pour analyse et contrôle, voire édition d'une ordonnance à distance au besoin. La start-up entend contractualiser avec des complémentaires santé pour prendre en charge tout ou partie du coût de cet examen (50 euros). Une première table connectée a été installée à Levallois chez un opticien, assure Tessan, qui revendique une « vingtaine d'opticiens partenaires » intéressés. 

Confusion des genres ?

Reste que le Syndicat national des ophtalmologistes (SNOF) considère que ce système se situe hors des clous. « L'orthoptiste est autorisé à réaliser plusieurs actes* en autonomie uniquement après avoir reçu la prescription du praticien ou dans le cadre d'un protocole de coopération signé par l'ophtalmologiste, recadre le Dr Thierry Bour, président du SNOF. Ici, l'auscultation s'opère à distance et hors parcours de soins, pour moi, c'est de l'exercice illégal. L'objectif est de vendre des lunettes. »

Opposé de longue date à la télémédecine dans les magasins d’optique, le SNOF fait valoir que le code de déontologie « interdit l'intervention des ophtalmologistes et d'orthoptistes dans des lieux commerciaux ». Autre risque : le contournement du parcours de soins avec les risques associés. « Les patients sont inconnus de l'orthoptiste et de l'ophtalmologiste. Diagnostiquer un glaucome nécessite plusieurs visites », illustre le Dr Bour.

Le syndicat médical préfère miser sur le déploiement du travail aidé et des cabinets secondaires d'ophtalmologie partagés ou non avec des orthoptistes assurant le suivi de patients via de nouveaux protocoles. La dernière enquête du SNOF estime le délai d'attente à  61 jours (53 si le rendez-vous est pris en ligne) et 32 jours en cas de symptômes.  

* Bilan visuel dans le cadre du renouvellement des corrections optiques ; un bilan visuel à distance avec transmission des résultats à un ophtalmologiste pour des patients sans pathologie et ayant vu un praticien dans les moins de 5 ans ; réaliser un dépistage de la rétinopathie diabétique. 

Sophie Martos

Source : lequotidiendumedecin.fr