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Déserts médicaux : les solutions pragmatiques des départements

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Publié le 21/04/2023
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L'ancien président de l'Isni, Antoine Reydellet, aujourd'hui conseiller santé du député (Renaissance) de la Sarthe Jean-Carles Grelier, a rédigé un atlas des mesures de lutte contre les déserts médicaux imaginées par les conseils départementaux. Des initiatives souvent de bon sens, au plus près des territoires.

Crédit photo : Garo/Phanie

Face à la progression des déserts médicaux depuis une quinzaine d'années, les collectivités territoriales n'ont pas ménagé leurs efforts pour favoriser les installations des nouveaux médecins libéraux.

Mais l'argent ne suffit pas toujours. Et c'est parfois, finalement, les solutions les plus pragmatiques qui ont les meilleurs résultats. Tel est le principal enseignement de l'atlas des mesures instaurées par 66 départements, réalisé par le Dr Antoine Reydellet, ancien président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) en 2018-2019, aujourd'hui le conseiller santé du député Jean-Carles Grelier.

L'élu Renaissance de la Sarthe – qui fut LR jusqu'en 2022 et avait soutenu Xavier Bertrand dans la course à la primaire des Républicains pour la présidentielle – connaît la problématique sur les bouts de doigts. Il avait d'ailleurs été un des premiers maires à salarier des médecins généralistes dans sa commune de la Ferté-Bernard dès 2008. Son département voisin, la Mayenne, est sans doute celui qui a le plus pris le taureau par les cornes, en innovant et en proposant du sur-mesure, comme l'ont illustré ses « états généraux de la santé » l'année dernière. Mais en réalité, presque tous les conseils départementaux se sont retroussé les manches, quand bien même la santé ne relève pas strictement de leurs compétences.

Interlocuteur unique

Aides au logement pour les carabins, accompagnement du conjoint du médecin qui envisage de s'installer, campagnes de communication, soutien à la formation des maîtres de stage universitaires (MSU), guichet unique sont autant d'ingrédients originaux des cocktails imaginés par ces collectivités.

Cela ne veut pas dire pour autant qu'elles renoncent aux outils classiques comme les aides financières à l'installation ou aux maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), voire au salariat direct de praticiens. Depuis que la Saône-et-Loire s'est lancée en 2017, d'autres départements comme l'Orne ou le Pas-de-Calais s'y sont essayés même si le dispositif reste « coûteux » et ne présente « un réel intérêt sur le long terme que si ces structures accueillent des MSU pour former des internes », estime l'ex-président de l'Isni.

En 2019, Antoine Reydellet avait réalisé un premier état des lieux des initiatives. « Ce travail nous a permis de dresser un comparatif avec ce que les départements proposent aujourd'hui et de regarder l'effectivité et l'efficacité des mesures mises en place et ce qui a évolué, explique Jean-Carles Grelier. On note aussi que certains départements qui n'avaient pas cru bon de s'intéresser à ces questions s'y sont mis car la demande et la pression des populations sont très fortes ».

Système d'accueil personnalisé

Parmi les départements qui ont épaté le député figurent les Pyrénées-Atlantiques qui ont misé sur les ressources humaines. Ainsi, le dispositif « Présence médicale 64 » a été doté en 2022 d'un budget de 419 000 euros dont les trois quarts fléchés sur une équipe de huit agents aux compétences variées (ingénierie, pilotage, communication, marketing, data, cartographie). « En trois ans, le dispositif a permis l'installation de 45 médecins y compris dans les parties rurales du département, souligne Jean-Carles Grelier. Cela fonctionne car ils ont conçu un système d'accueil totalement personnalisé en s'intéressant à la globalité de la situation du médecin comme la scolarité de ses enfants ou l'emploi de son conjoint ».

Une autre clé du succès consiste à miser sur la formation des étudiants et des internes. Un des premiers outils utilisés pour lutter contre les déséquilibres démographiques fut à cet égard la création de bourses d'études en échange d'années d'installation dans un désert médical avec la loi Bachelot de 2009. Aujourd'hui, ces contrats d'engagement de service public (CESP) semblent s'essouffler, analyse le Dr Reydellet, qui milite pour des solutions très proches du terrain. « Par exemple, le Cher a construit plusieurs logements permettant de créer une petite communauté d'internes en colocation, décrit-il. Les Pyrénées Atlantiques, tout comme l'Yonne, ont signé des partenariats avec les Gîtes de France afin d'aider au logement des internes sur leurs territoires ».

Autre coup de pouce apprécié : le soutien accru aux maîtres de stage universitaires (MSU). Ainsi, l'Aisne offre une prime de 1 500 euros aux MSU déjà formés accueillant leur premier interne et finance les généralistes, à hauteur de 750 euros par jour, pour la formation à la labélisation à la maîtrise de stage. 

En écho au CNR

Au fil de ses 336 pages, l'atlas recense des solutions à la pelle « avec un souci constant de pragmatisme, de clarté, de pédagogie et d'accessibilité », souligne Jean-Carles Grelier. Cette démarche rejoint celle du Conseil national de la refondation (CNR) santé dont l'objectif est de faire émerger les bonnes pratiques du terrain, et qui devrait se réunir dans les prochains jours. « Nous pensons qu'il faut refonder le système de santé depuis les territoires », résume le député qui appelle de ses vœux « une grande loi de programmation en santé portant une vraie vision politique ».

La santé devient au demeurant un sujet de premier plan à l'Assemblée nationale. La proposition de loi transpartisane sur les déserts médicaux, portée par le député de la Mayenne Guillaume Garot, déposée en janvier attend une date pour être débattue. Quant à la proposition de loi santé du groupe Horizons – sur laquelle travaille l'ex-président de la FHF Frédéric Valletoux – elle est déjà annoncée à l'agenda parlementaire pour le 12 juin…


Source : Le Quotidien du médecin