Dr Pierre-Henry Juan (SOS Médecins) : « Notre fédération en a ras-le-bol de ne pas être considérée »

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Publié le 18/10/2019
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SOS Médecins a décidé à l'unanimité de boycotter son audition sur le futur service d’accès aux soins (SAS), plateforme de régulation unique prévue dans le plan urgences. Réélu à la tête de la fédération, le Dr Pierre-Henry Juan explique son coup de colère.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Pourquoi SOS Médecins a-t-il décidé de boycotter les travaux autour du futur service d’accès aux soins (SAS) universel ?

Dr PIERRE-HENRY JUAN. Depuis cinq ans que je suis président de la fédération SOS Médecins France, j’ai déjà été auditionné par tout un tas de commissionsI ! Ces deux dernières années, il y a eu la mission de Thomas Mesnier sur les soins non programmés, celle du député Philippe Vigier sur l’accès aux soins. Et en juillet dernier, c’est la mission Carli/Mesnier sur les urgences qui nous a reçus...

Le 3 octobre, en plein milieu de notre assemblée générale annuelle à Lyon, nous avons reçu un mail nous demandant d’être auditionnés par l'équipe projet en charge de l’élaboration du service d'accès aux soins. À chaque fois, nous avons beau expliquer notre savoir-faire, nos compétences, ce que l’on peut apporter en amont des urgences et notre attachement au numéro national, nous ne sommes jamais entendus ! Notre fédération en a ras-le-bol de ne pas être considérée. C'est pourquoi l’assemblée générale a voté à l’unanimité le boycott de cette énième convocation.

Nos 1300 médecins urgentistes gèrent 6,3 millions d’appels par an dont 2,6 millions aboutissent à une intervention à domicile. Nous réalisons 1,1 million de consultations d’urgence dans nos points fixes. La prise en charge des soins non programmés fait partie de notre cœur de métier. Nous aurions préféré être auditeurs plutôt qu’auditionnés !

Mais êtes-vous opposés au SAS  universel ?

Nous craignons d’abord d'en être exclus. Au moment d’élaborer les CPTS en ville [communautés professionnelles territoriales de santé, NDLR], tout le monde nous expliquait que nous y serions inclus comme une évidence au titre des soins non programmés. Hélas, des CPTS se constituent déjà en écartant les associations SOS Médecins qui sont considérées comme des prestataires de services.

Nous redoutons que cette mise à l'écart se reproduise avec le SAS. Nous sommes également très perplexes sur les 350 millions d’euros dédiés à cette plateforme de régulation, ca nous semble énorme. C’est une gabegie financière sans nom alors qu’un système existe déjà sur le terrain. Pourquoi faudrait-il tout changer ? Nous avons à cet égard une ligne rouge : pas question de toucher à l'accessibilité directe de nos centres d'appels. Nous voulons continuer à pouvoir être joints par notre propre numéro.

Il y a enfin la question des visites à domicile qui méritent d’être revalorisées. Depuis que j’exerce, la majoration de déplacement (MD) a toujours été de 10 euros. L’indemnité forfaitaire de déplacement est bloquée à 3,50 euros. C’est insuffisant. Alors qu’on développe l’ambulatoire et le maintien à domicile, il faut redonner envie aux médecins de faire des visites.

Comment comptez-vous vous faire entendre ?

Nous avons déjà été écartés des annonces de la ministre sur la refondation des urgences, le 9 septembre, au prétexte que nous sommes des "opérateurs". Nous lui avons écrit car nous étions un peu courroucés... Maintenant nous voulons la rencontrer pour recadrer les choses et réaffirmer notre expertise. Nous sommes très fiers de ce qu’on fait, de nos missions de service public mais à un moment, il faut qu’on nous montre une réelle considération ! 

Propos recueillis par Martin Dumas Primbault Il faut redonner envie aux médecins de faire des visites

Source : Le Quotidien du médecin