Dr Véronique Guillotin, sénatrice : « Le modèle de la maison de santé ne doit pas être exclusif, il faut promouvoir les initiatives de terrain »

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Publié le 05/10/2017
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LE QUOTIDIEN : Allez-vous continuer à exercer la médecine maintenant que vous êtes sénatrice ?

Dr VÉRONIQUE GUILLOTIN : J'ai exercé la plus grande partie de ma carrière en cabinet de ville, notamment à Villerupt, commune de 9 000 habitants, jusqu'en 2011. J'ai ensuite rejoint l'hôpital de Mont-Saint-Martin pour prendre le poste de responsable d'hospitalisation à domicile (HAD).

Désormais sénatrice, je vais suspendre mon contrat à l'hôpital. J'étais déjà à mi-temps depuis la fusion des régions en 2016, car mon poste de vice-présidente en charge des questions de santé dans le Grand Est impliquait de longs déplacements. C'était déjà difficile de gérer l'hôpital et les réunions à la Région. Avec le Sénat, cela va devenir impossible et ce n'est plus envisageable pour moi.

Au Sénat justement, allez-vous continuer à porter les questions liées à la santé ?

Oui, d'ailleurs mon premier choix est de siéger à la commission des affaires sociales. Ce qui m'intéresse avant tout, et ce que j'ai développé sur la région Grand Est, ce sont toutes les questions d'aménagement du territoire, la désertification médicale, la télémédecine, mais aussi le sport santé.

Sur la télémédecine par exemple, je suis favorable à ce qu'elle soit reconnue comme un acte médical et soit rémunérée comme tel. Elle doit être cadrée, et les professionnels de santé s'en emparer. Pour le moment, nous avons les moyens techniques, mais sans pouvoir les déployer, surtout en médecine de ville. La télémédecine doit devenir un outil au service des patients, avec des professionnels de santé qui la contrôlent et l'encadrent.

Le Sénat est souvent offensif sur la question des déserts médicaux. Comment vous positionnerez-vous sur cette question ?

Les déserts médicaux sont un sujet très complexe, transversal, qui demande de tenir compte de l'aménagement du territoire. Les maisons de santé pluriprofessionnelles peuvent être un des outils à exploiter. Nous y avons beaucoup travaillé dans le Grand Est avec l'agence régionale de santé. Il faut réfléchir intelligemment aux maillages et infrastructures à mettre en place pour que la population s'y rende. Mais le modèle des maisons de santé ne doit pas être exclusif, il faut aussi promouvoir les initiatives de terrain qui ne rentrent pas dans les clous de l'ARS, et qui visent à se coordonner, comme les liens ville-hôpital, les regroupements de professionnels de santé, les systèmes de partage d'informations.

En tant qu'élue du Grand Est, avez-vous été exposée à cette problématique ?

En Meurthe-et-Moselle, nous sommes touchés, surtout dans le haut du département où les problèmes ne sont pas les mêmes que dans la métropole nancéienne. Le territoire est post-industriel, désertifié, et dans 5 ans, 30 % des praticiens seront à la retraite. Il faut attendre longtemps pour décrocher un rendez-vous en ophtalmologie et cardiologie, avec des délais qui dépassent l'année.

La Belgique et le Luxembourg sont très proches, et les délais de consultation en ophtalmologie sont très courts au Luxembourg, par exemple. Une des questions qui m'intéressent serait de voir comment les Français peuvent se faire soigner là-bas, lorsqu'ils ne sont pas travailleurs transfrontaliers, tout en disposant d'un bon remboursement.

Propos recueillis par Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9607