En Italie aussi, les généralistes dénoncent l'inexorable progression des déserts médicaux

Par
Publié le 11/03/2022
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : AFP

Si, dans ce pays, la désertification médicale a commencé vers la fin des années 2010, la pénurie de généralistes touche aujourd’hui quasiment toutes les régions italiennes. Et le phénomène risque de s’intensifier dans les cinq prochaines années. Selon les estimations des syndicats de médecins, l’Italie a perdu environ 3 000 médecins traitants entre 2013 et 2019 lorsque le gouvernement à court de liquidités, a décidé de réduire le nombre de professionnels de santé de 45 000 dont 10 000 médecins en ville et à l'hôpital.

C'est dans ce contexte que, d’ici à 2027, affirme la fédération italienne des généralistes (FIMMG), quelque 35 000 praticiens devraient partir en retraite. Pour le Dr Domenico Crisarà, vice-président de FIMMG, « cela veut dire que 5 080 cabinets mettront la clef sous le paillasson et que 15 millions d’Italiens n’auront plus de référent sanitaire sur le territoire ». Un chiffre effrayant compte tenu du nombre de généralistes et de pédiatres conventionnés actuellement en exercice et estimé à 50 568 professionnels.

Scénario catastrophe

Ce scénario est d’autant plus catastrophique que le généraliste est devenu l’un des maillons essentiels de la chaîne de prévention et de soins depuis la réforme du système de santé de 1978. À l’inverse des médecins hospitaliers, le médecin de famille ne fait pas partie de l’administration publique. Ces généralistes sont des médecins libéraux qui ont signé un contrat de convention avec les ASL, les centres de sécurité sociale régionaux. Chaque généraliste conventionné peut avoir un maximum de 1 500 patients et il est rémunéré par l'ASL.

Le revenu brut annuel tourne en moyenne autour de 64 400 euros, un montant insuffisant note le Dr Sabatini, un généraliste installé dans la banlieue romaine car « tous les frais sont à notre charge, le loyer, les factures, la secrétaire, le matériel, les remplacements lorsque nous partons en vacances ou que nous sommes malades car nous n’avons pas de congés maladie ». Le SISAC, la structure interrégionale qui gère les conventions avec les praticiens, affirme que huit régions sont particulièrement touchées par la pénurie de médecins traitants. « Si l’on part du principe que chaque médecin, à l’échelle nationale, a en moyenne 1 500 patients, cela veut dire qu'au moins 1,4 million de personnes n’ont plus de référent dans ces régions » affirme le Dr Filippo Anelli, président de la fédération des ordres des médecins (FNOMCEO).

Pénurie de remplaçants

À cela s’ajoute un autre problème : celui du manque de successeurs potentiels. « Le nombre de bourses pour les spécialisations en médecine générale est largement insuffisant, à peine 1 000 par an » note le Dr Anelli. Le plan de relance mis en place par le gouvernement italien dans le cadre de la pandémie prévoit le déblocage de 900 autres bourses pour la spécialisation en médecine générale.

Trop peu, soulignent les syndicats de médecins. Pour remplacer les postes vacants, le ministère de la Santé a organisé des concours ouverts à tous les médecins indépendamment de leur lieu de résidence. Mais les conditions d’admissions aux concours n’ont pas encore été publiées dans certaines régions. C'est pourquoi la fédération des ordres propose aussi d’autoriser les médecins qui n’ont pas encore terminé leur spécialisation à participer aux concours. « Il faut en finir avec l’inertie et l’incapacité stratégique qui favorise les privés, les grands groupes qui se spécialisent dans les polyambulatoires et qui transforme la santé en un magnifique business » dénonce la FIMMG.


Source : lequotidiendumedecin.fr