Exercice libéral, quels scénarios dans cinq à dix ans ?

En Nouvelle-Aquitaine, une consultation « disruptive » pour sonder les médecins

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Publié le 21/01/2022
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Tarification, organisation médicale et territoriale, installation, nouvelles technologies, prévention : l'URPS ML Nouvelle-Aquitaine lance une vaste enquête prospective auprès des médecins libéraux, point d'ancrage d'un travail de fond sur l'attractivité de l'exercice. Un rapport établira des propositions à la veille des élections présidentielle et législatives.

Crédit photo : PHANIE

Comment rendre l’exercice libéral désirable à l'horizon de cinq à dix ans ? Quels scénarios préférentiels ? Vastes questions, auxquelles sont invités à répondre, sous forme de questionnaire, les quelque 12 000 médecins libéraux de Nouvelle Aquitaine (6 500 généralistes et 5 500 spécialistes). Leur URPS les sonde dans le cadre d'une grande étude* lancée le 19 janvier et qui se veut « disruptive ».

« L'objectif est de profiter de la période électorale pour avoir une approche prospective, en rassemblant les idées du terrain pour améliorer l'exercice et lancer des pistes de réflexion, résume le Dr Benoît Féger, ORL à Angoulême et président de l'URPS ML sous l'étiquette Avenir Spé. On demande aux médecins de sortir un peu la tête du guidon, de réfléchir et de proposer des voies, même utopiques, d’amélioration. »

Ces idées de la « base » nourriront des ateliers organisés avec des experts du secteur – dont l'économiste libéral Frédéric Bizard sur le modèle économique et David Gruson sur les nouvelles technologies – puis des débats sous forme de webinaires. « Au bout du bout, explique le Dr Féger, les résultats feront l'objet d'un rapport qui sera envoyé aux politiques, et notamment aux députés de la région dont le Dr Thomas Mesnier (député LREM de la Charente et rapporteur du dernier budget de la Sécu, NDLR). »

Dépasser les clivages

Pour redorer le blason de l'exercice, les praticiens libéraux néo-aquitains sont invités à se projeter sur l'exercice regroupé et les organisations territoriales coordonnées (MSP, CPTS, équipes de soins), les délégations de tâches et l'arrivée de nouveaux profils (assistants médicaux, infirmiers en pratique avancée), l'évolution de la tarification et du modèle économique ou la montée en puissance des nouvelles technologies et de l'IA.

Forte de cette initiative qui dépasse les clivages syndicaux, l'URPS entend pousser loin tous les scénarios. Chacun pourra choisir s'il est pertinent de « nationaliser le système de santé où tous les médecins sont salariés », « transférer la pathologie simple sur les paramédicaux », « ouvrir les cabinets médicaux à des capitaux extérieurs non médicaux », « développer des statuts mixtes »…  « Nous souhaitons proposer des perspectives positives et non pas un état des lieux catastrophique comme c'est le cas parfois dans certains rapports », nuance le Dr Didier Simon, vice-président (MG France) de l'Union et généraliste à Mont-de-Marsan.

Les praticiens auront leur mot à dire sur la qualité de vie au travail, à l'heure où la jeune génération exprime sa volonté de travailler moins, de concilier exercice professionnel et vie de famille et de bénéficier de services publics sur son lieu d'implantation. « Sur ce point, nous avons une forte attente pour savoir comment amener les médecins, notamment spécialistes, à s'installer en libéral, insiste le Dr Frank Bergé (UFML-S), néphrologue à Bordeaux et coordonnateur du collège spé de l'Union. Dans de nombreuses disciplines comme la néphrologie, la pneumologie ou la cardiologie, nous avons déjà beaucoup de mal à faire venir les jeunes en stage libéral, même dans des zones a priori attractives. » L'URPS sondera les libéraux sur diverses mesures de compagnonnage qui ont fait leurs preuves telles que la maîtrise de stage, le parrainage ou le statut de médecin collaborateur. 

Rémunération et liberté d'installation

Alors que l'accès aux soins s'invite dans les programmes présidentiels, les médecins seront consultés sur le dosage entre incitations et régulation territoriale. Tarifs bonifiés, défiscalisation pendant cinq ans, modèle québécois, salariat, suppression pure et simple de la liberté d’installation…: autant de pistes sur la table. « Face aux idées des politiques, il est important d'opposer quelque chose qui soit construit par la base, c'est ce que j'attends de mes confrères généralistes », avance le Dr Éric Sury (MG France), coordonnateur du collège de médecine générale, pour qui les problèmes démographiques et d'aménagement du territoire sont « cruciaux ».

Côté tarification, le questionnaire abordera la place des rémunérations forfaitaires (lesquelles ?), le paiement à l'acte, la capitation, les majorations, d'éventuels bonus/malus en fonction de la pertinence, les consultations de prévention ou le sort des secteurs d'exercice… Et sur une échelle de 1 à 10, les médecins pourront dire s'ils se sentent « épanouis » dans leur métier, « confiants » quant à l’avenir et s'ils referaient « sans hésiter une carrière » en médecine libérale. Les praticiens de Nouvelle Aquitaine ont jusqu'au 15 février pour participer à cette consultation.

* Dont « Le Quotidien » est partenaire.

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin