C'est un drôle de bras de fer qui se joue désormais autour de la formation continue des praticiens maîtres de stage des universités (MSU) opposant d'un côté, les syndicats de médecins libéraux polycatégoriels et, de l'autre, les enseignants de médecine générale alliés aux jeunes et à MG France.
À la faveur d'un arrêté du 22 décembre 2021, la prise en charge financière des formations à la maîtrise de stage a été rabotée. Jusque-là, les formations à la MSU bénéficiaient d'un financement « hors quotas » de la part de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), tout au long de la carrière, ce qui ne rognait pas sur le forfait DPC annuel des praticiens concernés. Mais avec cet arrêté, une unique formation initiale « MSU » hors quotas d'une durée de 10 heures minimales est autorisée. En revanche, les formations continues à la MSU ne seront plus hors quotas mais décomptées du forfait annuel de 21 heures pour être prises en charge financièrement.
200 MSU en moins
Ce coup de rabot sur la formation des MSU a été vivement critiqué par les généralistes enseignants (Snemg, CNGE), les représentants des juniors (ReAGJIR, Isnar-IMG, Anemf) et par le syndicat de généralistes MG France. Ils dénoncent ensemble une « limitation drastique, pénalisante pour le développement de la maîtrise de stage ambulatoire » et « la qualité de la formation délivrée aux étudiants ». Très mobilisés, ils ont manifesté leur mécontentement auprès du ministère de la Santé, expliquant que l'application brutale de l'arrêté du 22 décembre signifiait immédiatement « 200 maîtres de stage en moins » (les formations déjà programmées à partir de mars étant annulées).
En plein virage ambulatoire et alors que monte le débat présidentiel sur l'accès aux soins, ce mécontentement des responsables universitaires et généralistes n'aurait pas laissé insensible le cabinet d'Olivier Véran, au point qu'une révision de l'arrêté serait déjà en préparation. « Nous avons en effet demandé de modifier cet arrêté pour sanctuariser l'enveloppe de la formation à la maîtrise de stage dans le "hors quotas" pour éviter que les médecins soient obligés de choisir entre la maîtrise de stage et les autres formations », confie au « Quotidien » le Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE).
Le budget du DPC grevé par les MSU ?
Mais ce possible revirement ministériel a immédiatement provoqué la contre-attaque des syndicats représentatifs (CSMF, SML, UFML-S, FMF et Avenir-Spé-Le Bloc) – sans MG France donc – qui dénoncent en chœur « un détournement inacceptable des fonds de formation ». De là à y voir la riposte des centrales polycatégorielles contre le lobbying des généralistes, il n'y a qu'un pas.
Dans un communiqué commun, ces centrales expliquent qu'« il ne saurait être question de grever de façon significative les sommes dévolues au DPC pour financer sans limite la formation continue des maîtres de stage agréés ». Et d'ironiser sur les « droits de tirage jusque-là non limités » des structures historiques bénéficiaires du budget de la formation à la MSU… Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, joint par « le Quotidien », l'enveloppe du DPC s'élève à près « de 90 millions d'euros dont 6 millions d'euros sont consommés par la formation initiale et continue des MSU ». « Si cette formation s’avère nécessaire pour entretenir les compétences des MSU, ajoute-t-il, c’est à l’État d'y affecter les allocations complémentaires dédiées ».
Des MSU spécialistes
La formation consacrée à la maîtrise de stage ambulatoire met-elle en danger le financement des autres actions financées par l'agence du DPC ? « Non », balaye le Pr Olivier Saint-Lary, au nom des généralistes enseignants du CNGE. « Je comprends que, dans le cadre d'une enveloppe fermée, les organismes de formation qui sont souvent issus des syndicats soient inquiets mais je pense que cette inquiétude n'est pas rationnelle. Le nombre de formations à la maîtrise de stage n'a pas explosé. » Pour le Pr Saint-Lary, « la modification de l'arrêté sera même une opportunité pour développer la maîtrise de stage des spécialités autres que la médecine générale ». Il rejoint toutefois la demande des syndicats pour un « financement complémentaire » afin d'élargir l'enveloppe globale allouée à la formation continue des médecins.
De son côté, MG France regrette « ces prises de position qui s'opposent alors que les objectifs sont partagés » par la profession. « Aujourd'hui, recadre le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat de généralistes, l'Agence du DPC finance des formations d'intérêt et de valeur inégale. Le DPC n'est pas suffisamment un outil au service de la santé publique et des mutations de l'exercice professionnel. L'intérêt de cette crise est de mettre ce dysfonctionnement en évidence. »
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