François Kraus (Ifop) : « Le Pen a un score chez les médecins quatre fois inférieur à la moyenne nationale  »

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Publié le 27/04/2017
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François Kraus

François Kraus
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LE QUOTIDIEN : Au regard des intentions de vote exprimées dans notre récent sondage Ifop, le vote des médecins est-il acquis à Emmanuel Macron au second tour ?

FRANÇOIS KRAUS : Emmanuel Macron a un potentiel électoral développé dans les segments de l'électorat les plus diplômés, aisés, ceux qui ont un capital socioculturel important. Les médecins étant parmi les professions qui ont les cursus les plus longs, il n'est pas étonnant qu'Emmanuel Macron obtienne de bons résultats auprès d'eux. Depuis des décennies, les professions libérales sont un des noyaux électoraux de la droite et du centre droit en France. Le fait qu'un candidat étiqueté centre gauche parvienne à faire jeu égal avec le candidat de la droite est une grande performance.

À vous entendre, le vote des médecins le 7 mai ne fait donc aucun doute ?

Face à une candidate comme Marine Le Pen, il n'y a pas photo ! Les médecins libéraux étaient 89 % à déclarer voter pour Emmanuel Macron contre 11 % à Marine Le Pen en cas d'affrontement au second tour. Le Pen a un score chez les médecins qui est quatre fois inférieur à sa moyenne nationale [au premier tour Ndlr]. Tout simplement car le ressort du vote lepéniste repose sur les catégories populaires, un faible niveau socioculturel, des problèmes de précarité ou de chômage, des personnes plutôt jeunes. Tout l'inverse du corps médical en France, plutôt âgé, très diplômé, aisé et bien installé... Par ailleurs, on a assez peu entendu Marine Le Pen parler des problématiques de la profession. 

Mais les médecins qui ont choisi François Fillon au premier tour reporteront-ils naturellement leurs voix en faveur d'Emmanuel Macron ?

Oui. Les médecins qui ont voté pour François Fillon semblent se reporter massivement sur Macron. Il n'y a que deux à trois points que la présidente du Front national pourrait récupérer au candidat des Républicains. En dehors d'éventuelles abstentions, l'essentiel des réserves de voix dont dispose Marine Le Pen au sein du corps médical se trouvent chez les souverainistes, comme Dupont-Aignan, chez les plus eurosceptiques ou radicaux. 

Selon votre sondage, les femmes médecins étaient en proportion trois fois plus nombreuses que les hommes à vouloir voter pour Le Pen contre Macron. Comment l'expliquez-vous ?

La question de la sécurité dans un environnement urbain pourrait motiver le vote de ces femmes médecins qui peuvent se sentir plus menacées que la moyenne. On observe aussi que les généralistes travaillant seul dans un cabinet individuel votent davantage pour le FN. 

Y a-t-il des mesures « épouvantails » dans le programme du Front National pour les médecins ?

Compte tenu de leur éthique professionnelle, les praticiens ne vérifient pas la carte d'identité de la personne qu'ils soignent. Le monde médical n'est pas fermé sur la France, il pense plutôt "global". De nombreux praticiens sont sans doute conscients que la proposition de suppression de l'AME peut s'avérer contre productive.

Propos recueillis par Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du médecin: 9576