Le dépistage visuel des enfants en 2010

Impliquer les pédiatres et les médecins généralistes

Publié le 03/02/2011
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Crédit photo : Dr P. DUREAU

LE DÉPISTAGE SYSTÉMATIQUE de problèmes visuels des enfants ne peut être assuré par les ophtalmologistes seuls. Avec 800 000 naissances par an en France et seulement 5 000 ophtalmologistes, la nécessité de déléguer une part essentielle du dépistage est évidente. C’est dans ce sens qu’est orientée la politique de santé publique depuis quelques années, avec la volonté d’impliquer plus systématiquement les médecins généralistes et les pédiatres. Ceux-ci voient les enfants régulièrement, et peuvent à ce titre pratiquer les différents examens de prévention aux âges clés du développement de l’enfant.

Si ce rôle de médecine préventive est déjà en partie assuré par les médecins de PMI et les médecins scolaires, les praticiens libéraux sont globalement moins bien formés aux examens visuels. Or, le dépistage des anomalies visuelles est un enjeu important de santé publique, car il permet de réduire l’incidence de l’amblyopie de 3 à 1 %.

Une version révisée du carnet de santé.

Plusieurs actions ont été menées par les autorités de santé publique, pour faciliter la mise en place de ce dépistage. La première est la modification du carnet de santé, support clé du suivi des enfants. La nouvelle version, établie en 2005, comprend désormais, sur les pages consacrées aux examens obligatoires, des questions spécifiques concernant l’examen visuel, que le praticien intègre à son examen clinique systématique. La version précédente ne proposait qu’un examen visuel plus sommaire. Ces examens obligatoires sont pratiqués à la naissance, à l’âge de 2 mois, de 4 mois, de 9 mois et de 2 ans, puis tous les un à deux ans. Un guide, destiné aux médecins et rédigé de façon parallèle à la version 2005 du carnet de santé, explique comment réaliser correctement ces différentes étapes de l’examen visuel selon l’âge. C’est la répétition de l’examen visuel qui permet de dépister les anomalies majeures et d’orienter alors vers une consultation ophtalmologique. De plus, une page de conseils, intitulée « les troubles sensoriels », destinée aux parents, a également été insérée dans le carnet de santé, afin de les sensibiliser sur les antécédents personnels ou familiaux, ou sur les signes qui doivent les alerter et les amener à consulter.

Un autre document publié en février 2009 par la Société française de pédiatrie, avec le soutien de la Direction générale de la santé, vient compléter le carnet de santé. Il s’agit d’un guide pratique de dépistage des troubles visuels chez l’enfant, illustré, rappelant le rôle du médecin qui suit l’enfant et détaillant avec précisions les examens visuels et la conduite à tenir en cas d’anomalies. Il rappelle également les situations cliniques devant conduire à adresser l’enfant en urgence à l’ophtalmologiste : présence d’une leucocorie, d’une cornée trouble, apparition récente d’un strabisme ou d’un nystagmus. Ce guide, très complet, est destiné à tous les médecins pratiquant de la médecine préventive et étant amenés à faire du dépistage visuel.

Les étapes clés de l’examen visuel.

Chez les nouveau-nés et avant 4 mois, le but essentiel est de dépister les malformations importantes et les anomalies organiques comme la cataracte ou le rétinoblastome. La recherche de facteurs de risque de troubles visuels doit être systématique : prématurité, souffrance cérébrale, poids de naissance inférieur à 1 500 g, surdité, troubles neuromoteurs, anomalies chromosomiques, embryofœtopathies, antécédents familiaux de troubles sévères de la réfraction, d’amblyopie, de strabisme… La présence d’un de ces facteurs de risque nécessite la réalisation d’un examen ophtalmologique avec réfraction après cycloplégie entre 3 et 12 mois, même en l’absence de signes cliniques.

L’examen clinique recherche des anomalies oculopalpébrales, une leucocorie, des anomalies de comportement visuel, un nystagmus… Le médecin observe la lueur pupillaire (éventuellement avec un otoscope à défaut d’ophtalmoscope), les reflets cornéens à la recherche d’un strabisme permanent, le réflexe photomoteur et le réflexe de fixation après un mois.

Après 4 mois, le dépistage est plus orienté vers les anomalies de la fonction visuelle, amblyopie et troubles réfractifs. Les mêmes éléments cliniques sont complétés par la recherche d’un strabisme intermittent et par l’étude de la fixation monoculaire et binoculaire et de la poursuite oculaire. Après 9 mois, une réaction de défense à l’occlusion alternée et le signe de la toupie peuvent être recherchés. Des tests stéréoscopiques peuvent également être pratiqués, comme le test de Lang. À partir de l’âge verbal, vers 2 ans et demi ou 3 ans, la mesure de l’acuité visuelle de près et de loin, des deux yeux séparément, est possible avec des tests d’image, en utilisant une méthode d’appariement des objets. Enfin, les tests de la vision des couleurs viennent compléter cet examen visuel vers 5 ou 6 ans.

Tout au long de ces étapes, dès lors que le médecin traitant dépiste une anomalie, l’enfant doit être orienté rapidement vers un ophtalmologiste pour un examen complet.

D’après un entretien avec le Dr Pascal Dureau, chef de service adjoint du service d’ophtalmo-pédiatrie du Dr Caputo à la Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild (Paris).

 Dr CAMILLE CORTINOVIS

Source : Bilan spécialistes