Lutte contre les déserts médicaux

Le Sénat souffle le chaud et le froid sur la liberté d’installation

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Publié le 24/09/2015
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La démographie médicale sera un sujet imposé aux négociateurs de la future convention

La démographie médicale sera un sujet imposé aux négociateurs de la future convention
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Examinant le projet de loi de santé, les sénateurs ont tenté de trouver le bon dosage pour lutter contre les déserts médicaux, à la fois désireux de muscler l’existant sans braquer la profession.

Quelques mesures votées ont une portée surtout symbolique : le pacte territoire-santé lancé par Marisol Touraine fin 2012 est désormais inscrit dans la loi afin de faire de la lutte contre les inégalités territoriales d’accès aux soins « un des enjeux de la politique de santé ». Un amendement oblige le gouvernement à rendre le contrat d’engagement de service public (CESP) plus attractif, ce qui ne mange pas de pain. Cette mesure permet aux étudiants de bénéficier d’une bourse en contrepartie d’un engagement à exercer dans une zone sous dense pour une durée contractuelle.

Pas de conventionnement sélectif

Soucieux de ne pas décourager l’exercice libéral, le Sénat a écarté un amendement autoritaire sur le conventionnement sélectif, qui prétendait instaurer un mécanisme de régulation visant à freiner l’arrivée de nouveaux médecins dans les zones dites surdotées – à l’instar de ce qui se pratique déjà chez les infirmiers, les kinés ou les sages-femmes. Dans ces zones excédentaires, toute nouvelle installation aurait été subordonnée au départ d’un autre professionnel de santé. Le Sénat n’a donc pas suivi les élus partisans de la méthode forte, au premier rang desquels le sénateur centriste de l’Eure Hervé Maurey.

En revanche, le Sénat a adopté un amendement qui crée une obligation de négocier sur la répartition de l’offre de soins (dans les zones sous-denses et sur-denses). Le code de la santé publique stipulait jusque-là que la négociation des conventions porte « notamment sur le conventionnement à l’assurance-maladie des médecins libéraux dans les zones définies par les agences régionales de santé ». Par la magie de cet amendement, les mots « porte notamment » se sont mués en « doit porter, pour assurer l’offre de soins ». Le texte se fait donc impératif même s’il n’oblige à aucun résultat... Cette contrainte de négociation a été votée malgré l’opposition du gouvernement qui ne souhaitait pas instaurer « une disposition qui impose le contenu de la convention ».

Premier pas ?

Auteur en 2013 d’un rapport recommandant de supprimer la liberté totale d’installation en ville, le sénateur centriste Hervé Maurey se félicite du « premier pas » du Sénat. « Ça n’oblige pas les parties à arriver à un accord, seulement à négocier, admet-il. Mais c’est la première fois que le Sénat vote une telle disposition. C’est le début d’une évolution ». Hervé Maurey se prend à rêver que la profession arrive à négocier avec la CNAM « un dispositif comparable à celui des infirmiers ou des kinés, puisque de toute manière, on sera obligé d’y arriver un jour ou l’autre ».

Le diable se cache parfois dans les détails. Si l’obligation de négociation sur l’implantation des médecins libéraux est votée par les députés (qui ont le dernier mot), il suffira qu’un autre texte de loi assortisse cette mesure d’une obligation de résultat (des quotas par exemple) pour mettre à mal, cette fois, la liberté d’installation jusque-là préservée.

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du Médecin: 9435