« Les 141 postes en ophtalmologie ne compenseront pas les départs », s'alarme le Dr Thierry Bour (SNOF)

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Publié le 11/07/2017
Dr Thierry Bour

Dr Thierry Bour
Crédit photo : SNOF

Pour la seconde année consécutive, le nombre de postes d'internes ouverts en ophtalmologie a été réduit. Seulement 141 internes pourront choisir cette spécialité à la rentrée. Le compte n'y est pas pour le patron du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) qui redoute l'allongement des délais d'attente – déjà 100 jours en moyenne pour un rendez-vous.

LE QUOTIDIEN : Le SNOF réclamait l'ouverture d'au moins 200 postes d'internat. Le ministère n'en ouvrira que 141 à la rentrée. Quel est votre sentiment ?

Dr THIERRY BOUR : Nous sommes amers car la filière visuelle figure parmi les priorités affichées par le ministère. Rien ne nous laissait entrevoir une nouvelle baisse ! Depuis 2010, le nombre de nouveaux internes formés en ophtalmologie avait continuellement progressé pour atteindre 159 en 2015. Mais depuis deux ans, les effectifs reculent à nouveau. Les ophtalmos ont 57 ans de moyenne d'âge et, chaque année, 250 praticiens partent à la retraite. Même avec les arrivées d'ophtalmologistes à diplôme étranger (une cinquantaine par an), les 141 postes attribués ne compenseront pas les départs.

Comment expliquez-vous cet arbitrage ?

C'est assez opaque. L'ophtalmologie fait peut-être les frais de la réforme du 3e cycle qui a entraîné la création de nouvelles spécialités comme la médecine d'urgence (460 postes) ou la gériatrie (200 postes). Nous demandons à rencontrer la ministre de la Santé pour connaître les raisons de cette décision. Quels moyens Agnès Buzyn veut-elle donner aux médecins dans la filière visuelle ? S'agit-il d'un accident ou d'une volonté délibérée de réduire notre nombre ? Nous voulons des réponses. 

Vous tabliez sur un objectif de « zéro délai » d'attente d'ici à 2022. Est-il caduc ?

Cet objectif ne peut être tenu que si suffisamment d'ophtalmologistes sont formés… S'il n'y a pas assez de spécialistes, ce sera aux pouvoirs publics d'en tirer les conséquences. Sur les 5 000 ophtalmologistes libéraux recensés par l'Ordre, 900 ont plus de 65 ans et continuent d'exercer !  Le délai de rendez-vous – qui varie selon les territoires – est de 100 jours en moyenne. Nous faisons tout pour améliorer ce délai d'attente, nous encourageons nos adhérents à avoir un agenda électronique, à signer des contrats aidés et à pratiquer la délégation de tâches.

En acceptant la délégation de tâches et la création d'emplois aidés, n'avez-vous pas acté l'idée d'une diminution du nombre d'ophtalmologistes ?

Cela peut être perçu comme cela. Mais nous n'avons jamais demandé la baisse du nombre d'ophtalmologistes ! L'activité des ophtalmos a augmenté de 50 % en quinze ans. En libéral, on est à 45 millions d'actes par an, en progression d'environ un million par an. La population française continue d'augmenter et plus particulièrement le nombre des plus de 65 ans. C'est dans cette tranche d'âge que se développeront les maladies pouvant devenir chroniques comme la DMLA, l'ophtalmopathie diabétique, le glaucome ou la cataracte. Dans cinq ans, nous atteindrons le million de cataractes opérées chaque année.

L'évolution des techniques crée de nouveaux besoins en soins. La DMLA en est un parfait exemple. Il y a dix ans, on voyait les patients une fois par an. Maintenant, on les voit sept, huit ou neuf fois dans l'année pour les traitements et suivre l'évolution de la pathologie.

La délégation n'est donc pas la panacée ?

Un nouveau protocole va permettre de déléguer aux orthoptistes, en télémédecine, le suivi de patients chroniques (glaucome ou DMLA stabilisés). Mais il faudra tout de même qu'à l'autre bout, des médecins puissent lire les dossiers et voir les patients. Sans augmentation du nombre de médecins, ce système devient incontrôlable !

Propos recueillis par Christophe Gattuso

Source : lequotidiendumedecin.fr