Radioscopie des élections aux unions

Les leçons du scrutin

Publié le 07/10/2010
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Crédit photo : S. toubon/« le quotidien »

AU LENDEMAIN des élections aux unions régionales de professionnels de santé (URPS) émerge un nouveau paysage syndical en médecine libérale, partiellement recomposé. Si les équilibres sont globalement inchangés chez les généralistes, avec la victoire relative de MG-France qui devance les généralistes de la Confédération des syndicats médicaux français (UNOF-CSMF) comme en 2006, les autres collèges ont réservé, aux uns, de belles surprises, aux autres, de cruelles désillusions. Avec comme principaux faits marquants le succès du BLOC parmi les plateaux techniques et la domination écrasante de la CSMF (UMESPE) chez les autres spécialistes.

D’une manière générale, le duo « conventionniste » de 2005 (CSMF+SML), hostile à la politique du gouvernement, est renforcé avec plus 55 % des suffrages totaux. Implantées partout, et dans tous les collèges, ces deux organisations pèsent lourd. À noter au passage que le Syndicat des médecins libéraux (SML) devient la deuxième force syndicale derrière la Confédération. Mais le succès parallèle des syndicats monocatégoriels (MG-France, Le BLOC) a prouvé que leur discours spécifique trouvait un écho puissant dans leur collège respectif. Radioscopie.

• L’axe anti-HPST incontournable ?

C’est un fait. Les médecins libéraux ont placé en tête les deux principaux opposants à la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST), dite loi Bachelot. Tous collèges confondus, la CSMF (33,2 %) et le SML (22,4 %) totalisent plus de 55 % des suffrages exprimés et près de 30 000 voix. Arithmétiquement, la force de ces deux centrales polycatégorielles réside dans une présence géographique sur tout le territoire et dans tous les collèges, contrairement à des adversaires dont l’implantation relève de la peau de léopard… Ces deux organisations ayant annoncé leur intention de travailler ensemble en signant une plate-forme commune sur l’avenir libéral de la médecine, il semble difficile pour les pouvoirs publics de contourner ce front majoritaire. Toutefois, si cet axe est très puissant chez les spécialistes hors plateaux techniques (82 % des voix), il n’a pas la majorité absolue chez les généralistes (46 % des voix) et encore moins dans le collège chirurgical (un tiers des voix). Ce qui nuance la victoire.

• Le succès des syndicats catégoriels

C’est la deuxième leçon du scrutin. Dans deux collèges sur trois, c’est un syndicat monocatégoriel qui arrive en tête : MG-France conserve son leadership chez les généralistes, Le BLOC triomphe dans le collège AOC. Ce n’est pas un hasard. De très nombreux médecins sont réceptifs à un discours de défense des intérêts spécifiques de leur spécialité et estiment être moins bien représentés par les centrales polycatégorielles. Certains regretteront cette balkanisation du corps médical, d’autres estimeront que les médecins concernés seront mieux respectés dans cette configuration syndicale où les problèmes de chaque « métier » sont identifiés et portés par des organisations distinctes. Le ministère de la Santé a aussitôt reconnu cette aspiration.

• Le grand bond en avant du SML, deuxième force

Campagne tout-terrain, propositions innovantes, sujets « porteurs » (la retraite) : tel a été le cocktail payant du SML sous la férule de son énergique président, le Dr Christian Jeambrun. Jamais gagnant mais toujours placé ! Le SML réalise de très bons résultats et devient la deuxième centrale syndicale. Le SML affiche un score global flatteur de 22,5 % (tous collèges) après avoir subi un revers en 2006 avec 12,7 % des voix. Le signataire de la convention 2005 s’est transformé ces derniers mois en opposant constructif à la loi Bachelot. Son résultat est le fruit de 450 réunions d’informations menées depuis plus d’un an, d’assises régionales consacrées aux femmes médecins libérales et de l’accueil sur ses listes de candidats d’Alliance.

• L’entrée en fanfare du BLOC

Dans le troisième collège, le BLOC, toute jeune organisation composée du SYNGOF (gynécologues obstétriciens), de l’AAL (anesthésistes) et de l’UCDF (chirurgiens), réalise une percée spectaculaire, inédite en si peu de temps. Il remporte 57,9 % des suffrages dans le deuxième collège AOC, loin devant les centrales historiques. Le BLOC fait un raz-de-marée en Bourgogne (72 %), Champagne-Ardenne (72 %), Rhône-Alpes (69 %), Alsace (67 %), Ile-de-France (63 %), ou Aquitaine (60 %). Il prendra place sur 92 des 141 sièges réservés aux praticiens du 2e collège dans les URPS. Ce résultat témoigne, selon les responsables du BLOC, des fortes attentes des professionnels des blocs opératoires sur des sujets comme la responsabilité civile professionnelle (RCP) ou la nomenclature tarifaire…

• le camp des « perdants » : la FMF dégringole, Alliance s’effondre

Dans une élection où émergent plusieurs vainqueurs, les syndicats en recul n’en sont que plus amers.

C’est le cas de la Fédération des médecins de France (FMF). En 2006, le syndicat du Dr Régi avait réalisé des scores spectaculaires, s’imposant en tant que deuxième puissance syndicale. En 2010, c’est la douche froide. Chez les généralistes, le pari de la fusion avec Espace Généraliste (EG) est perdu. Quand ces deux syndicats avaient recueilli séparément 28 % des suffrages en 2006, la formation unique (UG) obtient dix points de moins… Chez les spécialistes, la FMF de 2006 talonnait la CSMF avec 36 % des voix ; elle réalise aujourd’hui des scores modestes. Le syndicat paye ses mauvais choix : positionnement illisible sur la loi HPST (soutien mais refus des mesures antilibérales), présence géographique clairsemée.

L’effondrement d’Alliance était prévisible. Incapable de surmonter ses déchirements internes, ce syndicat n’était présent que dans une poignée de régions sous cette étiquette, la plupart de ses membres ayant rejoint les listes du SML. Enfin, le score d’Union Collégiale (UC, pôle MOST) reste marginal. Le syndicat qui s’autoproclamait porte-drapeau de 15 000 médecins à expertise particulière récolte moins de 4 % des suffrages généralistes et 3 % de l’ensemble des libéraux. Cette élection lui aura permis de prendre date.

• Convention, et maintenant ?

Le directeur de l’assurance-maladie devra composer avec ces nouvelles forces syndicales pour construire la convention médicale. Malgré l’arrivée de (quelques) nouveaux partenaires, l’équilibre général n’est pas modifié. L’ « attelage » conventionniste CSMF/SML de 2005 reste majoritaire malgré la disparition d’Alliance. Le tandem pourra signer seul, ou s’opposer aux décisions. Mais MG-France chez les généralistes et Le BLOC pour les équipes chirurgicales sont des partenaires qui ne peuvent être ignorés, au risque de signer des accords faiblement portés dans ces deux secteurs. Le directeur devra en tirer les leçons, y compris sur la forme de la convention médicale. Les revendications de volets spécifiques émergent déjà (généralistes, plateaux techniques lourds) et, au regard des résultats, elles ont une légitimité certaine.

• La représentativité

Sauf si des recours aboutissent à l’annulation des élections, le BLOC obtiendra la représentativité puisqu’il recueille 16,7 % des suffrages exprimés dans les collèges 2 et 3 (total spécialistes). Le syndicat pourrait donc participer aux prochaines négociations. La FMF n’a pas tout perdu dans ces élections puisque sa branche généraliste, Union Généraliste, avec 18,6 % des voix, va décrocher sa représentativité. Avec seulement 0,4 % des suffrages, le syndicat Alliance quitte la scène conventionnelle.

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CYRILLE DUPUIS ET CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 8831