Les médecins subventionnés par la Sécu… Vrai ou faux ?

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Publié le 04/03/2017
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Crédit photo : S. TOUBON

Catherine Lemorton est-elle dans le vrai lorsqu’elle affirme que les professionnels de santé sont subventionnés par la Sécurité sociale et les complémentaires ? La députée PS de Haute-Garonne a fait cette déclaration mardi dernier, devant l’Association des journalistes de l'information sociale (AJIS). « Sans ce système, a expliqué Catherine Lemorton, les professionnels n'auraient pas les mêmes revenus. »

Vrai ou faux ? Pour savoir si ces propos correspondent à une réalité économique, « le Quotidien » a donné la parole à deux observateurs du système de santé français.

Faux pour l'économiste de la santé, Claude Le Pen

Pour Claude Le Pen, Catherine Lemorton confond la cause et la conséquence. « L’Assurance-maladie n’a pas été créée pour assurer des revenus aux médecins, relève le professeur d’économie de la santé. La réalité économique, c’est que les patients sont aidés pour avoir accès à des soins qu’ils devraient payer s’il n’y avait pas de Sécu. Ce sont donc eux qui sont subventionnés, pas les professionnels. »

Le point de vue de Catherine Lemorton est même « un peu pervers », juge Claude Le Pen : « C’est un peu comme si le patient ne comptait pas, qu’il était un prétexte à l’activité médicale. »

Les médecins ne profitent-ils pas de ce système ? « C’est une évidence, reconnaît Claude Le Pen. Mais ce n’est pas le but. »

Une polémique dépassée ?

Pour le sociologue Frédéric Pierru, le raccourci de Catherine Lemorton n’est pas aberrant. « Si les patients n’étaient pas subventionnés par la Sécu, la demande et l’activité médicale seraient nettement plus faibles. Il y a toute une frange de la population qui ne pourrait pas se payer de médecins », argumente le chercheur.

Autrement dit, les médecins bénéficient de la solvabilité des patients subventionnés par l’Assurance-maladie. « La réalité historique, c’est que la profession médicale n’a jamais été aussi florissante qu’après guerre, avec la création de la Sécurité sociale », rappelle Frédéric Pierru. « Le vocabulaire utilisé par Catherine Lemorton heurte et choque parce qu’il est en contradiction avec l’identité libérale historique de la médecine de ville », ajoute le sociologue.

Dans un communiqué, le syndicat des médecins libéraux (SML) a en effet dénoncé les propos de la députée PS et évoqué « la croisade menée contre la médecine libérale ». « Non, la Sécurité sociale ne “subventionne” aucun médecin, insiste le SML. Les médecins libéraux ne sont pas  et ne seront pas — les employés des caisses. »

Le spectre du fonctionnariat ? « C’est une polémique un peu dépassée, répond Frédéric Pierru. Je ne suis pas sûre qu’elle parle aux jeunes médecins moins rétifs à l’idée du salariat. »


Source : lequotidiendumedecin.fr