Les remplaçants, de potentiels « fraudeurs » bientôt exclus du DPC ? ReAGJIR dénonce une nouvelle « choquante », l’ANDPC plaide la « régularisation »

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Publié le 21/10/2021

Crédit photo : Phanie

« On ne comprend toujours pas ce retournement de situation», se désole le Dr Agathe Lechevalier, présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR). Car, à partir de l’année prochaine, les médecins libéraux remplaçants pourraient bien ne plus bénéficier de la prise en charge de leurs formations par l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC).

Tout part d’un courrier, envoyé par l’ANDPC, le 18 octobre dernier, aux professionnels de santé, dénonçant des « introductions frauduleuses dans le système d’information de l’agence » et accusant certains professionnels de forcer le formulaire d’inscription pour bénéficier d’une prise en charge DPC, alors qu’ils n'y sont pas éligibles. Il s'agirait de « nombreux professionnels (…) devant probablement exercer sous statut de remplaçant non éligible à notre prise en charge », écrit noir sur blanc l’ANDPC.

« Lorsque nous avons vu le courrier, nous avons été très surpris. C’est profondément choquant que les remplaçants soient accusés de fraude », réagit le Dr Lechevalier. Car jusqu’ici, les remplaçants effectuaient leur demande DPC « en toute bonne foi ». « Il nous fallait simplement être thésé et justifier de 45 jours d’activité », détaille la présidente de ReAGJIR, concédant qu’il y avait une « tolérance » de la part de l’ANDPC, ce « qui n’a jamais posé de problème ».

Interprétation abusive

De son côté, l’ANDPC aurait-elle décidé de serrer la vis ? Contactée par « Le Quotidien », l’agence confirme qu’effectivement avoir « compris que nous appliquions une vieille tolérance mise en œuvre dans le cadre de la gestion conventionnelle de la formation en prenant en charge les remplaçants ». Mais en réalité, cette souplesse « n’était conforme ni au droit conventionnel ni aux textes réglementaires sur le DPC en vigueur », ajoute l'agence, citant l’article R.4021-22 du Code la Santé Publique, qui précise que seuls les professionnels de santé conventionnés peuvent prétendre à un financement de l’ANDPC.

« C’est une interprétation abusive », rétorque Agathe Lechevalier. Car, si les remplaçants ne sont effectivement pas conventionnés, pour la présidente de ReAGJIR, ils restent « assimilés à la convention, ils la respectent de facto. Auparavant ceci était suffisant pour l’ANDPC ». Jusque-là, les remplaçants renseignaient simplement leur adresse personnelle et indiquaient qu’ils étaient libéraux.

Révélation 

Si ce rappel à l'ordre de l’ANDPC intervient maintenant, c’est que le processus de création des comptes sur la plateforme a été modifié en juillet dernier. Auparavant, il était basé sur des informations déclaratives du médecin. Désormais, les professionnels de santé ont l’obligation de créer un nouveau profil pour alimenter leur document de traçabilité « de toutes les actions suivies au fil des ans », détaille l’ANDPC.

Des informations qui sont aujourd'hui préremplies, avec le numéro RPPS par exemple. C’est à l’occasion du passage à cette nouvelle formule, que l’ANDPC se serait rendue compte qu’aucun mode d’exercice ne remontait pour les remplaçants. « Nous avons d’abord pensé à un bug, raconte un représentant de l’agence. Mais surtout nous avons découvert à cette occasion que les remplaçants n’étant pas installés, ils ne peuvent pas être conventionnés, leur exercice se faisant dans le cadre d’un contrat de droit privé avec le remplacé ».

Cette découverte a poussé l’ANDPC à remettre les choses au clair et actualiser les documents mis en ligne pour être « conforme à la réglementation ». L’agence l’affirme aujourd’hui : « la règle est désormais clairement rappelée sur le site des inscriptions et la vigilance des professionnels comme des organismes de DPC est attendue sur le fait qu’aucune prise en charge ne pourra plus être assurée ».

Pas de réclamation d'indus

Sur les réseaux sociaux, l’ANDPC a tenté d'éteindre le feu, face aux médecins remplaçants emplis d’interrogations sur l’avenir de leur formation continue. Le Dr Trystan Bacon, généraliste et ancien président de l'ISNAR-IMG (InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale) interpelle même Olivier Véran sur Twitter

Une colère partagée par Agathe Lechevalier : « l’accusation de fraude est grave, alors que ce sont juste des médecins qui veulent se former, qui sortent de l’internat et veulent approfondir leur connaissance. La FMC fait partie de nos obligations légales ».

L’ANDPC rappelle par ailleurs que « le DPC n’est pas financé par des cotisations des professionnels mais par une ligne budgétaire inscrite dans la convention d'objectif et de moyens entre l’État et l’Assurance maladie ». En revanche, les remplaçants peuvent tout de même financer leur formation via le FAF-PM (Fonds d’assurance formation de la profession médicale), pour lequel ils cotisent. Seul hic : « le FAF-PM ne rémunère pas les journées d’absence lorsque l’on est en formation », relève le Dr Lechevalier.

Pas d'indu

Pour les remplaçants ayant déjà bénéficié de la prise en charge par l’ANDPC, l’agence se veut rassurante et précise qu’elle « ne réclamera aucun indu pour les années antérieures ni les six premiers mois de l’année 2021 ».

Selon la présidente de ReAGJIR, la position de l’ANDPC est révélatrice « d’une lame de fond anti-remplaçant que l’on ressent depuis deux ans». Ceux-ci « n'ont pas eu de compensation de notre perte d’activité pendant la pandémie, ils sont moins bien rémunérés pour la vaccination, ajoute-t-elle. Et aujourd’hui on nous dit qu'ils n’auront plus de prise en charge par l’ANDPC ». Aussi, ReAGJIR entend bien faire pression pour que l’agence revienne sur sa décision.


Source : lequotidiendumedecin.fr