Alain-Michel Ceretti, président de France Assos Santé

« On ne peut plus imposer des mesures sans impliquer les concitoyens »

Par
Publié le 21/09/2017
Article réservé aux abonnés
ceretti

ceretti
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Cette stratégie nationale de santé va-t-elle dans le bon sens ? La consultation publique est-elle pertinente ?

ALAIN-MICHEL CERETTI : Les priorités de la SNS sont bien identifiées. Dans les quatre axes définis, on retrouve des thématiques qui parlent aux utilisateurs du système de santé. Chez France Assos Santé, nous avons la moitié d'associations de malades et d'autres spécifiques au handicap, aux personnes âgées, à l'environnement, à la précarité… L'approche n'est pas seulement liée aux pathologies. Aujourd'hui, en matière de santé, on ne peut plus imposer des mesures sans impliquer les concitoyens ! Le regard et l'esprit critique des usagers sont de plus en plus fins. La ministre a donc raison de faire cette concertation publique. Elle est proactive.

Que manque-t-il ?

Tout dépendra de la concertation qui s'engage et de ses résultats. C'est la grande incertitude. La description des axes de la stratégie est tellement large ! Nous avons des interrogations plus précises sur la résistance aux antibiotiques par exemple. Sur ce point, la politique de prévention engagée par Marisol Touraine n'a pas été suivie par les professionnels. Nous attendons que les pouvoirs publics se réveillent. Nous ne faisons pas de procès d'intention mais il faut des éclaircissements. Tous les sujets autour de la prévention ne peuvent pas se limiter à lutte contre l'alcool et le tabac.

Le rapport du HCSP recommande un « virage préventif ». Cette fois, les choses vont-elles réellement changer ?

Je l'espère mais je reste circonspect. Il y a 20 ans, les moyens financiers alloués à la prévention étaient de 3 % [des dépenses courantes de santé], aujourd'hui ils sont seulement de 2 % Derrière les mots, il faudra un redéploiement réel des moyens pour concrétiser cette nécessaire politique de prévention. Jusqu'à présent, la priorité a toujours été donnée aux soins et pas à la promotion de la santé. Du coup, nous avons des comportements à risques dans une société de plus en plus à risques avec les perturbateurs endocriniens, la pollution, etc. Nous pourrions changer plus rapidement l'environnement si les bonnes décisions étaient prises.

Quelles seront vos propositions dans le cadre de la concertation ?

Sur l'innovation, notamment la télémédecine ou les objets connectés, nous demandons que les outils soient élaborés directement avec les usagers car ils doivent être adaptés aux besoins des personnes. France Assos Santé sera également très attentive aux droits des citoyens en matière de protection des données de santé personnelles.

Autre chantier majeur : le reste à charge des usagers, facteur de renoncement aux soins. Plus vite on basculera vers un « reste à charge zéro », comme pour les médicaments, mieux on se portera.

Enfin, nous souhaitons la mise en place d'indicateurs au plus près du lit du malade. Cela veut dire qu'il faut des critères sur la qualité et la pertinence des soins par service et non pas simplement par hôpital. Nous plaidons aussi pour des indicateurs qui mesurent la qualité de la prise en charge non médicale : l'accueil, la partie hôtelière. Le patient doit pouvoir noter sa prise en charge globale.

Le plan sur les déserts médicaux sera présenté début octobre. Attendez-vous des mesures incitatives ou coercitives ?

Les déserts médicaux sont inadmissibles : c'est une illustration des mauvaises politiques menées ces dernières années. La stratégie incitative n'a pas donné assez de résultats. Toutefois, je suis contre la coercition. On ne peut pas obliger des professionnels de santé à aller exercer et vivre dans un bassin de vie dans lequel il n'y a plus de structures de vie. Quand dira-t-on qu'il faut des états généraux de la démographie médicale ?

Propos recueillis par Sophie Martos "Il faut des critères sur la qualité et la pertinence des soins par service et non pas simplement par hôpital"

Source : Le Quotidien du médecin: 9603