« La maison brûle ! On est en péril quand on ferme des urgences », alerte ce mardi Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut Conseil français de télésanté, jointe par « Le Quotidien ». La native de la Creuse lance aujourd'hui un appel à la mobilisation générale de tous les acteurs publics et privés de la santé autour d’un plan « zéro déserts médicaux » à l'horizon du quinquennat.
Dans une lettre ouverte adressée au président de la République, elle rappelle que « près de 8 millions de Français sont touchés par ce fléau, 11 300 communes concernées et 192 zones en danger », une situation jugée « alarmante ». « L'urgence est là. Le gouvernement a pris des mesures qui vont dans le bon sens mais n'apporte pas d'action concrète d'ampleur. Il faut aller plus vite, plus haut et plus fort », scande-t-elle, à deux jours du lancement du conseil national de la refondation (CNR) par Emmanuel Macron. « Il est insupportable, honteux que dans la sixième puissance mondiale, des millions de personnes ne puissent avoir de réponse en moins d'une heure », se désole cette experte.
Pour des « zones de solidarité prioritaire »
Pour agir collectivement, celle qui est aussi présidente de l'Académie francophone de télémédecine et e-santé avance plusieurs propositions. Il s'agit en premier lieu d'identifier puis de transformer ces quelque 200 territoires fragiles en « zones de solidarité prioritaire », avec leurs règles propres et dérogatoires. « Faisons en sorte que ces zones deviennent attractives sur le plan socio-économique », dit-elle.
À l’instar des zones franches, les entreprises qui s'y installent bénéficieraient d'exonérations fiscales sur cinq ans. Idem pour les soignants qui acceptent d'y exercer et « n'auront pas d'impôts à payer ». Cette défiscalisation pourrait être étendue aux médecins qui souhaitent remplacer « 8 jours ou trois semaines » des confrères installés dans ces secteurs en difficulté, plaide Ghislaine Alajouanine qui refuse toute solution coercitive, « contreproductive ».
De surcroît, dans ces déserts médicaux, « les soignants devraient être plus payés ». Et puisque l'État et les collectivités territoriales ne peuvent pas tout faire, elle souhaite lancer « une souscription nationale ou une loterie nationale de solidarité ». L'argent récolté alimenterait un fonds de solidarité « dont la gestion pourrait être confiée par exemple à la Cour des comptes ». Elle suggère aussi que des fonds du Livret de développement durable et solidaire soient fléchés vers un fonds « zéro déserts médicaux » ainsi qu'une part des rentrées fiscales liées à la taxation des multinationales de l'économie numérique (Gafam).
Grande échelle
Mais surtout, cette experte prône sans surprise le développement de la télémédecine « à grande échelle », une solution « qui a déjà fait ses preuves et qui peut aussi résoudre certains problèmes socio-économiques ». Avec 21 millions de passages annuels aux urgences – dont 30 % évitables grâce à la télémédecine – on aboutit à « 800 millions d’euros d’économies, sans compter les milliards engloutis dans le coût des transports », évalue-t-elle. La télémédecine pourrait venir en renfort de maisons de santé « connectées » et de solutions de « médecine itinérante », sous réserve de supprimer l'article 74 du code de déontologie qui interdit l'exercice de la médecine foraine.
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