Comment les signataires « vendent » la convention

Le tour de France des VRP du P4P

Publié le 12/12/2011
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Crédit photo : DR

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL

APRÈS LILLE, Lyon, Paris, Bordeaux et Nancy, l’assurance-maladie, la CSMF et MG France ont clos, à Nantes, les réunions de présentation de la nouvelle convention médicale (1). Devant plus de 200 médecins – en majorité généralistes – et quelques cadres des caisses, rassemblés dans l’auditorium d’un hôtel à La Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique), les partenaires conventionnels ont présenté pendant deux heures le contenu de l’accord conclu le 26 juillet dernier avant de répondre aux questions de la salle.

Dans les travées, les discussions vont bon train. « Je ne connais pas le contenu de la convention, alors participer à cette réunion est une façon de me mettre à niveau », confie le Dr Arnaud Poyet, 37 ans, généraliste à Nantes. « Ils vont nous parler de la rémunération complémentaire et des items à remplir », susurre son voisin. Les médecins semblent très intrigués par cette rémunération sur objectifs dont ils ont « vaguement » entendu parler.

« Cette convention nous permet de construire ensemble et d’avancer », attaque Frédéric van Roekeghem. En dépit de la crise, le directeur de la CNAM défend le choix d’un « investissement réfléchi sur la convention de 400 millions d’euros par an », « qui conforte l’accès aux soins, modernise les conditions d’exercice et améliore la qualité des soins grâce à l’analyse de la performance ». C’est sur la modernisation de la rémunération, vraie nouveauté de cette convention, que porte l’essentiel des débats. « Le P4P (pour pay for performance), pour nous, c’est d’abord le respect d’objectifs de santé publique, explique le

Dr Claude Leicher, président de MG France. Si nous n’avons pas envie d’analyser notre qualité, d’autres le feront pour nous ! ».

L’informatique, c’est automatique.

Pour améliorer leur « performance » et pour pouvoir l’analyser, les médecins devront avant toute chose accélérer leur informatisation. Le patron de la CNAM insiste sur l’importance de cette modernisation. « Nous devons évoluer vers beaucoup moins de papier, lance-t-il à l’assemblée. Pour valoriser l’informatisation, nous avons prévu de faciliter la prescription médicamenteuse grâce à des logiciels et de vous permettre d’accéder aux services dématérialisés de l’assurance-maladie ». Le directeur rappelle les conditions que devront remplir les praticiens pour accéder à l’indemnisation annuelle de 1 750 euros, au titre de l’organisation du cabinet : tenue d’un dossier médical informatisé, télétransmission d’au moins deux-tiers des feuilles de soins, affichage des horaires de consultation, utilisation d’un logiciel d’aide à la prescription. Il précise que les médecins traitants pourront bénéficier de 1 050 euros par an supplémentaires s’ils remplissent le volet annuel de synthèse du dossier médical de leurs patients.

« L’innovation majeure de cette convention, c’est la rémunération sur la base d’objectifs de santé publique, souligne le Pr Hubert Allemand, médecin-conseil national à la CNAM, et architecte du nouveau dispositif à points. Il ne s’agit pas, pour l’assurance-maladie, de s’immiscer dans la relation patient/médecin mais d’observer des résultats collectifs. Aujourd’hui, il y a une grande hétérogénéité de comportements. L’objectif est de se rapprocher des bonnes pratiques et d’optimiser la prescription ». Cartes à l’appui, le Pr Allemand présente les disparités de prise en charge du diabète en France, (hémoglobine glyquée, fonds d’œil…), et détaille les 29 indicateurs qui seront pris en compte dans cette rémunération au mérite comme la vaccination contre la grippe, le dépistage des cancers du sein et du col, la prescription d’antibiotiques…

Des craintes, peu de questions.

Constatant que dans plusieurs domaines, la région des Pays-de-Loire a de bons résultats, le responsable de la CNAM, habile, lance à la salle : « Sur tous ces indicateurs, vous êtes très bons, pour vous le dispositif sera très intéressant ! ». « Le paiement à la performance est prévu pour les médecins traitants mais il a vocation à s’étendre à l’ensemble des médecins spécialistes », souligne ensuite le Dr Michel Chassang. Le président de la CSMF énumère les revalorisations (ciblées) obtenues pour les spécialités cliniques et les nouvelles consultations à haute valeur ajoutée. Il tente de rassurer ses confrères qui, dans leur grande majorité, découvrent le texte. « Cette convention va rencontrer des difficultés, prévient ce même leader syndical, la situation financière est préoccupante. On va modifier vos habitudes d’exercice, il va falloir s’informatiser pour ceux qui ne l’ont pas fait, mais l’heure est venue de moderniser notre exercice. »

Au terme des deux heures de présentation, les médecins, comme abasourdis, ont assez peu de questions. « Sur le P4P, les médecins qui partent de très loin seront-ils mieux rémunérés que ceux qui sont déjà dans les clous ? », interroge un généraliste. « Pour chacun des indicateurs, nous avons instauré un seuil intermédiaire à l’objectif, répond Hubert Allemand. L’évolution de la progression sera récompensée mais un meilleur résultat brut sera mieux rémunéré ».

Le Dr Marie Kayzer, vice-présidente du Syndicat de médecine générale (SMG), interpelle les signataires sur certains indicateurs retenus (grippe, mammographies) et sur les possibles conflits que pose le P4P entre l’intérêt scientifique d’une prescription et l’intérêt financier du médecin. « Je vais renvoyer ma lettre pour refuser la rémunération à la performance car elle ne va pas améliorer la qualité de la pratique », assure-t-elle. Le Dr Luc Duquesnel (CSMF), généraliste, met en garde : « Attention, on ne fait pas tout avec l’informatisation ; à un moment les médecins devront saisir leurs données pour bénéficier du P4P et cela va leur prendre du temps. Il ne faudrait pas qu’ils rejettent le système ! »

La réunion prend fin. Hormis quelques critiques polies, les partenaires conventionnels n’ont pas rencontré d’opposition. « Il y a du boulot », lâche néanmoins un médecin en quittant la salle. Le Dr Sophie Gaudon, généraliste à Ligné, est partagée. « C’est intéressant, dit-elle. Cette carotte de la rémunération à la performance représente quelques milliers d’euros. Mais ne va-t-on pas se faire piéger et tomber dans le salariat ? On verra à l’usage. »

(1) Le Dr Christian Jeambrun, président du SML et signataire de la convention, a refusé de participer à ce cycle de réunions pédagogiques pour dénoncer les changements intervenus depuis l’accord sur deux points : le secteur optionnel et le cumul de l’acte du frottis cervicovaginal (finalement coté 1/2 acte) et d’une consultation.

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 9057