Honorable pour les spécialistes, décevant pour les généralistes : ainsi se présente le millésime 2018 des revenus imposables des praticiens libéraux.
Généralistes : revers de fortune
En termes d’activité et de « revalos », 2018 aurait dû être une année correcte pour les omnipraticiens. Au vu des chiffres de décembre, la CNAM tablait sur une hausse significative (+2,9 %) du poste des remboursements de médecine générale, ce qui aurait pu déboucher sur une progression appréciable du BNC des médecins de famille.
Il n'en est rien ! Selon les données fiscales de l’UNASA (Union nationale des associations agréées) que « Le Quotidien » publie en exclusivité, l’exercice passé devrait s’achever au mieux sur une croissance zéro, au pire en léger repli pour les bénéfices des généralistes. Les quelque 18 800 médecins de famille adhérents à une des AGA de cette fédération ont ainsi terminé l’année sur une baisse moyenne de 0,9 % de leur BNC. Une érosion du bénéfice également démontrée par les données fiscales d'un autre réseau d'AGA (conférence des ARAPL) qui évalue même cette diminution à 1,3 %, selon les données fiscales de 10 000 autres généralistes dont « Le Quotidien » a aussi eu connaissance.
Forfaits en berne…
Cette contre-performance clairement avérée intervient alors que 2018 a tout de même bénéficié d’un effet report sur quatre mois du passage à 25 euros de la consultation de référence (G) intervenu le 1er mai 2017, qui s'est traduit par 2 000 à 3 000 euros supplémentaires par praticien. L’épidémie de grippe 2017/2018 avait été exceptionnellement longue, ce qui a eu des conséquences favorables sur l’activité des médecins traitants.
La médiocrité du résultat 2018 des généralistes s’explique donc par d’autres facteurs. Et d'abord par la déception enregistrée sur les rémunérations forfaitaires. Pour les généralistes, l'addition de la nouvelle ROSP clinique (4 522 euros en moyenne), du forfait structure (1 454 euros) et du bonus médecin traitant de l'enfant (une centaine d'euros) a procuré seulement 6 000 euros en moyenne cette année-là contre plus de 7 000 euros lors de l'exercice précédent avec l'ancienne formule. De l'eau au moulin de ceux qui pointent la variabilité des rémunérations forfaitaires…
… et poids des charges
En réalité, l'analyse fine du bilan fiscal montre que les recettes totales des généralistes qui émargent à l’UNASA sont en légère progression (+0,6 %). Pour expliquer le repli du bénéfice imposable, il faut regarder du côté des charges. Et de fait, le poids des frais a grignoté le chiffre d’affaires. Le ratio recettes/bénéfices est à la baisse : l’an passé, les omnipraticiens ont converti seulement 57,3 % de leurs honoraires en résultat contre 57,8 % en 2017.
À quoi tient cet alourdissement ? A priori pas à la hausse de la CSG, puisqu'un avenant a prévu un mécanisme de compensation pour la très grande majorité des médecins libéraux dès 2018. Il faut plutôt y voir un classique phénomène de ciseau, qui veut qu’après une année favorable (2017), les organismes sociaux sont plus gourmands avec les indépendants. Associé au retard à l’allumage sur les nouveaux forfaits, le poids des charges explique que 2018 soit une piètre année pour les médecins de famille.
Spécialistes : une majorité de disciplines dans le vert
Pour les autres spécialités (histogramme ci-dessous), le bilan est plus favorable mais inégal. Une bonne dizaine de disciplines (plus de la moitié de notre panel) dépassent les 3 % de hausse de leur BNC contre une demi-douzaine seulement en 2017. Avec parfois une embellie spectaculaire puisque trois d'entre elles – neurologie, chirurgie générale et urologie – dépassent les 10 % de hausse. Et, en dehors de la médecine générale, seules trois spécialités subissent une baisse nette de leur bénéfice.
Plusieurs explications peuvent être avancées. Les spécialistes ont bénéficié de diverses avancées tarifaires échelonnées dans la nouvelle convention. Au 1er janvier 2018, les praticiens correspondants ont hérité d'une majoration d'urgence (MCU, 15 euros) pour les patients vus dans les 48 heures, sur demande du médecin traitant. Chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens ont eux aussi bénéficié de coups de pouce pour les actes CCAM urgents. Il en va de même des pédiatres (modificateurs d'urgence pour les actes de maternité et revalorisations ciblées).
Depuis avril 2018 également, plusieurs majorations (MCS, 5 euros) sont devenues accessibles aux praticiens de secteur II pour leurs consultations à tarifs opposables.
D'autres résultats favorables s'expliquent par l'effet report des nouvelles consultations coordonnées à 30 euros (depuis juillet 2017 ) et, de façon plus ciblée, par l'instauration des consultations complexes (46 euros) et très complexes (60 euros), entrées en vigueur en novembre 2017, même si leur appropriation reste progressive. Ainsi, selon un bilan récent de la CNAM dont « Le Quotidien » a eu connaissance/consulté par « Le Quotidien », 193 000 consultations complexes majorées (code MCX) ont été facturées en 2018 dont 29 % par des neurologues, 15 % par des endocrinologues, 14 % par des gynécologues médicaux et obstétriciens et 11 % par des pédiatres. De même, 203 500 majorations très complexes (MTX) ont été cotées, pour l'essentiel en radiothérapie, chirurgie, oncologie médicale et neurologie.
Last but not least, la revalorisation de l'avis ponctuel de consultant (APC, ex-C2) en deux étapes (à 48 euros en octobre 2017 puis à 50 euros en juin 2018) a procuré un surcroît de revenus pour les spécialités les plus concernées par ces actes d'expertise.
Dépassements contrôlés
Côté forfaits en revanche, les résultats demeurent modestes pour les rares spécialités éligibles : la ROSP a représenté un bonus moyen de 1 726 euros pour les quelque 4 200 cardiologues rémunérés à ce titre et une prime de 1 486 euros pour les 2 000 gastroentérologues concernés. On notera aussi que la radiologie, engagée dans un protocole de régulation pluriannuel, affiche à nouveau un exercice en demi-teinte (-0,7 % sur le chiffre d'affaires, +0,2 % sur le BNC).
L'assurance-maladie pourra enfin faire valoir que les montants des dépassements d'honoraires sont restés sous contrôle en 2018 : le taux de dépassement des spécialistes de secteur II s'affiche en effet à 48,8 %, en baisse de 1,6 point par rapport à 2017 (réduction plus importante sur les actes cliniques). Selon la CNAM, c'est même la première fois depuis 2005 que le taux de dépassement des spécialistes passe sous la barre des 50 %.