Conventionnement sélectif et récupération des indus par extrapolation : tollé autour de deux articles du budget de la Sécu

Par
Publié le 10/10/2022
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : S.Toubon

L'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a démarré ce lundi soir en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Les députés vont avoir du pain sur la planche pour passer au crible, dans les trois prochains jours, les 1 582 amendements déposés pour l'instant sur ce budget composé de 53 articles. D'ores et déjà, deux articles avec ses nombreux alinéas ont fait vivement réagir les médecins libéraux. D'abord l'article 22 (alinéas 3 à 5) qui permet à l'Assurance-maladie et aux syndicats de médecins libéraux de définir, dans le cadre des prochaines discussions conventionnelles qui vont s'ouvrir à la fin du mois, « les conditions à remplir par les professionnels de santé pour être conventionnés, relatives à leur formation et expérience ainsi qu’aux zones d'exercice définies par l'ARS ». De fait, cet article ouvre la porte au conventionnement sélectif des médecins. Or face à cette offensive contre la liberté d'installation, la CSMF avait déjà réclamé la suppression de ces alinéas.

Une installation placée sous l'autorisation de l'Ordre

Pour le moment, cette demande ne semble pas avoir été entendue ni du gouvernement ni de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, la Dr Stéphanie Rist, députée du Loiret (Renaissance). Des députés sont même prêts à aller encore plus loin dans la voie de la régulation. Ainsi, l'ancien rapporteur du PLFSS, le député Horizons Thomas Mesnier, a déposé un amendement qui vise à créer un nouveau mode d'autorisation d'installation pour les médecins de ville. Délivrée par l’Ordre des médecins, l'installation serait donnée « automatiquement dans les zones considérées comme sous denses et définies par le zonage triennal en ZAC et ZIP ».

En dehors de ces endroits prioritaires, l'autorisation serait « conditionnée, d’une part au remplacement d’un médecin mettant fin à son activité » et, d’autre part « à une participation du médecin à un exercice secondaire et ponctuel en zone sous dense » . En conséquence, peut-on lire dans le motif de l'article, « les mesures d’incitations financières à l’installation en zones sous denses par l'Assurance-maladie seront supprimées ». Cette proposition radicale du député de Charente, médecin urgentiste, risque de donner lieu à des débats agités en commission.

Contournement des syndicats

Trois autres alinéas (6 à 8) de l'article 22 inquiètent également les représentants des libéraux. L'objectif affiché par le gouvernement est de rénover la vie conventionnelle. Or le texte prévoit d’associer, y compris dans la signature, aux négociations des accords-cadres interprofessionnels (ACI) les représentants des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). Mais selon les Libéraux de santé (LDS), une intersyndicale regroupant 11 syndicats représentatifs de dix professions cette mesure « fragiliserait le système conventionnel ». « Seules les organisations syndicales représentatives au sens de la loi sont habilitées à négocier et, en cas de conclusion positive, de signer les accords avec l’Assurance-maladie », a réagi l'intersyndicale, la semaine dernière. Pour supprimer cette mesure, un amendement a été déposé par Thibault Bazin, député LR de Meurthe-et-Moselle. Celui-ci déplore « un manque de reconnaissance par les autorités des syndicats représentatifs, de leur assise territoriale, de leurs effectifs d’adhérents, de leur indépendance et, pour les professions concernées, de leur audience aux élections URPS » et une volonté de contourner les syndicats, alors même que ces derniers représentent l’ensemble des professionnels de santé libéraux.

Nouvelle procédure pour les indus culpabilisante

Le second sujet qui fâche concerne l'article 44. Afin de renforcer la lutte contre la fraude, cette mesure permettrait aux Cpam de récupérer auprès des médecins et des infirmiers, des indus par extrapolation, si une anomalie était détectée à partir d’un échantillon de factures émises par le professionnel de santé. Le motif avancé est que l’Assurance-maladie, lorsqu’elle procède à des contrôles, ne peut pas matériellement vérifier toutes les factures, surtout en présence de forts volumes d’activité. De quoi révolter l'UFMS-Syndicat qui estime que « cela ouvrirait la porte à des sanctions sur des fraudes supposées et non démontrées ». Idem du côté de la FHP-MCO qui estime que « cet article va à l’encontre de plusieurs principes de notre droit ». « Cela revient à renverser la charge de la preuve en imposant à l’administré d’apporter les preuves du respect des règles de facturation dossier par dossier sur l’ensemble de son activité », écrit le lobby des cliniques. L'ancien président de la FHF, désormais député Horizons de Fontainebleau, a déposé un amendement de suppression de cet article. « La disposition semble d’abord aller à l’encontre des droits de l’établissement mis en cause », estime Frédéric Valletoux.

Ces arguments semblent d'ailleurs avoir été entendus par des députés de tous bords politiques (LR, Nupes, Rassemblement national, Renaissance) dont le même Thibault Bazin. Rapporteur de la branche accidents du travail - maladies professionnelles du PLFSS, il estime qu'il n'y a nul besoin de rajouter une « sixième procédure » qui sera « perçue comme culpabilisante, simplement parce que l’arsenal, impressionnant, qui existe déjà, n’est pas utilisé à bon escient ». Aujourd'hui, rappelle le député, cinq procédures de sanction sont à la disposition de l'Assurance-maladie. Fin septembre, la Cnam avait annoncé avoir relancé sa chasse aux fraudeurs qui avait été ralentie par le Covid.


Source : lequotidiendumedecin.fr