LE QUOTIDIEN – Quel est le poids de la dette grecque ?
PASCALE MICOLEAU-MARCEL – En Grèce, La dette représente actuellement 160 % du PIB. Elle en représentait 145 % il y a un an ! Son poids a augmenté très vite en raison des taux d’intérêt très élevés auxquels les créanciers du pays acceptaient de lui prêter. Les mesures décidées le 26 octobre sont censées ramener ce taux à 120 % en 2020. Mais pour que cela se réalise, il faut non seulement que la restructuration de la dette prévue soit effective, mais encore que la croissance soit au rendez-vous.
Pourquoi la Grèce n’arrive-telle pas à redresser la barre ?
Selon l’économiste Patrick Artus, « la politique budgétaire est si restrictive que l’emploi recule de 5 % en un an ; la hausse du chômage fait baisser le pouvoir d’achat des salaires par tête (de 10 % en un an !) ; le pouvoir d’achat de l’ensemble des salaires versés a reculé de 15 % (= 5+10) en un an ; l’économie grecque est entraînée dans une spirale dépressive où elle ne peut pas améliorer ses finances publiques, faute de croissance ». À quoi il faut ajouter que la Grèce ne peut pas miser sur une dévaluation de sa monnaie (l’euro) pour rendre ses exportations plus compétitives.
Quelles sont les solutions ?
Deux solutions, non exclusives l’une de l’autre, co-existent. La première consiste à essayer d’éviter la spirale déflationniste, c’est-à-dire faire en sorte que la réduction de déficit demandée à la Grèce n’entraîne pas un enfoncement de la croissance actuelle et future. « Il serait plus intelligent, analyse Patrick Artus, de demander aux Grecs de ramener leur déficit à 3 % en 2021 et non en 2013 ou 2014. » Mais cela veut dire également, du moins au départ, des besoins financiers plus élevés. Pour l’économiste américain Barry Eichengreen (dont les travaux ont notamment porté sur le rôle joué par l’étalon or pendant la dépression des années 1930), « la stratégie actuelle, qui revient à tenter d’extraire du sang d’une pierre, ne fonctionne pas. Il est temps que l’Union Européenne présente un plan Marshall pour la Grèce ».
Second levier d’action : restructurer la dette grecque, c’est-à-dire en réduire le poids par un abandon pur et simple par les banques d’une partie de leurs créances ou par un rééchelonnement, ce qui passe par une réduction du taux d’intérêt ou un allongement de la durée des obligations. Cependant, ces mesures sont difficiles à mettre en place et requièrent l’accord des créanciers qui détiennent de la dette grecque.
Qu’a apporté le sommet du 26 octobre dernier ?
Quatre grands dossiers ont été traités lors de ce sommet de la « dernière chance » réunissant les chefs d’États de la zone euro : la restructuration de la dette grecque, la recapitalisation des banques européennes, le renforcement du Fonds européen de stabilité financière et le renforcement de la gouvernance de la zone euro. Un accord global (« comprehensive agreement ») a pu être trouvé concernant ces quatre thématiques.
Qu’a-t-il été décidé concernant le traitement de la dette grecque ?
Aujourd’hui, il est admis que la Grèce ne peut plus rembourser ses dettes intégralement. Il lui faut restructurer sa dette, c’est à dire en réduire le montant. L’accord des chefs d’États de la zone euro du 21 juillet avait marqué une première étape vers cette restructuration, avec une décote de 21 % sur la dette grecque détenue par les banques. Mais ce chiffre est apparu de moins en moins réaliste à mesure que s’est aggravée l’insolvabilité du pays et que les perspectives de croissance ont diminué.
Une décision vient donc d’être prise par les dirigeants des 17 pays de la zone euro sur une décote volontaire sur la dette grecque de 50 % d’ici à 2020. Les banques qui se porteront volontaires pourront échanger leurs obligations grecques contre de nouvelles, réduites de moitié en valeur, ce qui devrait diminuer la dette grecque de 100 milliards d’euros.
Dans un premier temps, la question est de savoir si les banques vont effectivement décider de procéder à l’effacement d’une partie de leurs créances grecques sur la base du volontariat. D’autant qu’elles se sont assurées contre le défaut de la Grèce en achetant des instruments appelés CDS (credit default swaps) et pourraient en déclencher le paiement afin de compenser leurs pertes. Ce serait alors un « évènement de crédit ». Egoïstement beaucoup de banques s’en sortiraient mieux si la décote était involontaire, compte tenu de leurs positions en CDS qui compensent. On peut également se demander si cette décote de 50 % sera suffisante...
Quelle décision a été prise concernant la recapitalisation des banques ?
Au cœur du débat depuis des mois, le renforcement des capitaux des banques était l’un des enjeux majeurs du sommet européen du 26 octobre. Pour rassurer les marchés et redonner confiance dans le secteur bancaire, il devenait urgent d’augmenter les fonds propres des banques et leur capacité à assumer leurs pertes sur la dette grecque.
Les dirigeants des 17 pays de la zone euro ont opté pour une recapitalisation des banques à hauteur de 106,4 milliards d’euros répartis entre quelque 70 établissements. Les banques devront atteindre un ratio de fonds propres de 9 % d’ici fin juin 2012. Selon les chiffres de l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) cités par « les Échos », les banques françaises auront besoin de 8,84 milliards d’euros pour atteindre ce ratio. En Grèce, il faudrait 30 milliards d’euros pour recapitaliser les banques, 26,16 millards en Espagne, 14,77 milliards en Italie et 5,2 milliards en Allemagne.
Quelles peuvent être les conséquences de cette dernière décision ?
La première concerne la méthode de recapitalisation des banques qui, en France, se sont empressées de rassurer les investisseurs en garantissant qu’elles n’auraient pas recours à l’État pour se refinancer. Deuxièmement, le risque de faillite des banques grecques qui détiennent une grande partie des obligations nationales n’est pas à négliger suite à la décote de 50 % de leurs créances. Mais une aide de 30 milliards d’euros leur sera fournie, ce qui devrait éviter une faillite. Enfin, la recapitalisation des banques entraîne des craintes sur le niveau des crédits qu’elles octroient aux particuliers et aux entreprises.
De manière plus générale, quel est l’impact de la crise grecque pour les épargnants français ?
Il n’y a à ce stade aucun risque de faillite des banques françaises et donc pas d’inquiétude à avoir sur les dépôts à vue ou sur livret effectués dans des banques françaises. En tout état de cause ils sont garantis contre le risque de faillite à hauteur de 100 000 euros par déposant et par établissement.
En revanche, les inquiétudes actuelles sur les cours boursiers impactent négativement la valeur de l’épargne placée en actions, ou investie dans des OPCVM. Cela risque de conforter les épargnants français dans leur attitude de grande prudence à l’égard des placements en actions. Attention cependant à ne pas vendre précipitamment ses valeurs mobilières « quand ça baisse ». Les placements en actions sont des investissements de long terme.
S’agissant de la dette publique grecque, et des effets de la participation des créanciers privés à sa restructuration, l’impact pour les épargnants concernera essentiellement leurs contrats d’assurance-vie et principalement les contrats en euros [voir notre édition du 14 septembre]. Les sociétés d’assurances françaises ont en effet largement investi en titres d’emprunt de l’État Français (OAT) mais aussi en des titres d’autres États dont la Grèce et dans des obligations d’entreprise. Cependant, le rééchelonnement de la dette grecque devrait avoir peu d’incidence sur le bilan des compagnies d’assurance. Bien entendu l’impact pourrait être plus élevé si des États comme l’Italie ou l’Espagne faisaient défaut sur leur dette.
Plus d’informations sur le site www.lafinancepourtous.com
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