Plusieurs circonstances font de « Boris Godounov » le couronnement de la saison lyrique de l’Opéra de Paris. La création sur cette scène de la version originale de l’œuvre, telle que Moussorgski l’a conçue en 1869 avant de la réécrire, après censure et pour coller au goût du temps en 1872, avec un acte supplémentaire, l’acte polonais, une histoire d’amour et un final spectaculaire.
L’original en sept scènes est âpre et austère, l’orchestration beaucoup moins chatoyante, on est au plus près de l’âme du peuple russe. L’idée d'Ivo van Hove, coqueluche des scènes théâtrales branchées et spécialiste de Shakespeare, qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris, de le donner sans interruption est certainement une des meilleures de sa mise en scène. L’œuvre y gagne en densité, se regarde comme un film à l’action prenante et, pendant ces 140 minutes, l’attention ne se relâche jamais.
L’action se déroule dans un espace neutre, une scène vide avec un immense escalier au fond. La vidéo, utilisée beaucoup plus sobrement que dans les « Damnés » montés par le metteur en scène à Avignon pour la Comédie-Française, fait le reste. Les costumes d’An d’Huys sont d’aujourd’hui mais aucune référence politique précise ne vient polluer le propos. Depuis la célèbre production d’Herbert Wernicke et Claudio Abbado au Festival de Salzburg, on représente « Boris » comme un drame d’aujourd’hui, la tragédie du pouvoir dans sa dimension shakespearienne étant restée la même au fil des siècles.
Ivo Von Hove bénéficie pour sa grandiose direction d’acteurs d’une distribution magnifique et très malléable. Le Boris d’Ildar Abdrazakov, baryton basse belcantiste au timbre chaud, est sobre et autoritaire. Le Chouski de Maxim Pastor, retors à souhait, donne froid dans le dos. Le Varlaam d’Evgeny Nikitin, le Pimène d’Ain Anger et l’Innocent de Vasily Efimov sont parfaits. Vladimir Jurowski, de retour à l’Opéra de Paris après une longue absence, dirige avec une sobriété et une intensité poignantes orchestre et chœurs. Ce dernier, incarnant le peuple qui joue un si grand rôle dans l’œuvre, s’y est surpassé.
Un gâchis
Aussi incroyable que cela paraisse, « Don Pasquale », de Donizetti, n’avait jamais été donné à l’Opéra de Paris. Quel meilleur écrin que Garnier pour fêter ce petit bijou du bel canto romantique dont chaque air est une perle et qui obéit aux lois sacrées de la commedia dell’arte ? Las ! Damiano Michieletto, déjà responsable de quelques méchantes mises en scène dans la maison, a cassé le jouet. Mise en scène gadget, détournement du livret, accumulation de gamineries.
Gâchis, d’autant plus que la distribution est très honorable, dominée par le Malatesta de Florian Sempey et avec un couple d’amoureux, Nadine Sierra et Lawrence Brownlee, aussi crédible que possible. Des chanteurs desservis par le décor minimal et la scène vide si nuisible à la projection des voix. Evelino Pidó dirigeait avec verve cette coproduction avec Londres et Palerme.
Opéra de Paris, « Boris Godounov » et « Don Pasquale » jusqu’au 12 juillet. « Boris Godounov » sur France Musique le 24 juin à 20 heures et sur France 2 ultérieurement. « Don Pasquale » dans les cinémas UGC le 19 juin et sur France 3 ultérieurement. Prochain spectacle de l'Opéra : reprise du « Trouvère » de Verdi du 20 juin au 14 juillet.
Tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr
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