Trois expositions à Paris

De Botticelli au XXe siècle

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Publié le 08/10/2021
« Botticelli, artiste et designer », avec 40 tableaux au musée Jacquemart-André, c’est exceptionnel. Remarquable aussi, la collection du photographe Thomas Walther au Jeu de Paume. Non moins intéressante, la rétrospective Paul Nelson, architecte de plusieurs hôpitaux, au Centre Pompidou.
Botticelli, « Venus pudica », vers 1485-1490

Botticelli, « Venus pudica », vers 1485-1490
Crédit photo : RMN-GP/JÖRG P. ANDERS

Au musée Jacquemart-André, avec des prêts des plus prestigieux musées internationaux, Sandro Botticelli (1445-1510), homme-orchestre de son atelier dans la Florence de Laurent de Médicis où règne une grande effervescence artistique. Placé dans l’atelier de Filippo Lippi après avoir acquis une grande maîtrise du dessin chez le sculpteur Verrocchio, il apprend la technique de la peinture à l’huile et de la fresque. Dès ses débuts, il développe un style particulier, avec l’humanisation des Madones, le rendu des matières, l’attention aux détails. Lorsqu’il s’installe dans son propre atelier, il réalise les dessins et délègue à ses collaborateurs l’application des couches picturales, parfois le report de son dessin préparatoire sans se priver de réintervenir in fine, comme dans « le Jugement de Pâris », ou même des copies de compositions très appréciées du public, tel « le Retour de Judith à Béthulie ».

Sous l’influence des textes de Platon, la femme est idéalisée et l’amour terrestre doit mener à l’amour divin. C'est ainsi que ses Vierges seront aussi des Vénus et qu’il réalise les premiers nus de la peinture moderne (deux sont exposés). Il fournit aussi des dessins pour des tapisseries, broderies, marqueteries, et ceux de la première édition illustrée de « la Divine Comédie ». Une dizaine de portraits sur bois sont connus, dont celui de Julien de Médicis et la figure allégorique dite « la Belle Simonetta ». Il y a aussi ceux qu’il a réalisés pour les fresques de la Chapelle Sixtine à la demande du pape Sixte IV. À la chute des Médicis, avec l’avènement de la République et l’influence croissante des sermons apocalyptiques du moine Savonarole, son style devient plus austère et archaïque, comme dans ses représentations de Judith, mais il garde grâce et douceur lorsque le Christ en croix accepte son sacrifice. L’âge venant, son atelier poursuit des copies et il finit par tomber dans l’oubli jusqu’au XIXe siècle. (Jusqu'au 24 janvier, musee-jacquemart-andre.com)

Avant-gardes photos

* Au Jeu de Paume, une centaine de photographes et 230 des 350 photos de la collection de Thomas Walther (chefs-d'œuvre photographiques du MoMA) témoignent de l’histoire des avant-gardes photographiques européennes et américaines de l’entre-deux-guerres, la naissance de la modernité. Certains sont reconnus, Berenice Abbott, Karl Blossfeldt, Claude Cahun, El Lissitzky, Edward Weston, André Kertész, Henri Cartier-Bresson, Walker Evans, d’autres sont à découvrir. Leurs expérimentations trouvent un écho avec l’essor de la presse et de la publicité et ainsi se crée un réseau artistique entre le Bauhaus en Allemagne, le surréalisme à Paris, Moscou et New York. Les nouveaux films et papiers captent désormais le mouvement, celui de la vitesse et du sport. Les angles originaux favorisent un langage visuel dynamique, avec les vues en plongée ou contre-plongée des villes, pour aboutir aux photomontages vertigineux d’Alexandre Rodtchenko et d’Albert Renger-Patzsch. La nouvelle objectivité, qui recherche l’étrangeté dans la vie quotidienne, favorise les expériences sensorielles. Flous des temps de pose allongés, jeux de miroirs, photos de nuit et même autoportraits construisent de nouvelles identités. Parallèlement, aux États-Unis se développe la Straight Photography, avec une grande perfection et maîtrise technique. « Il y a cent ans que la photographie est inventée, elle vient seulement d’être vraiment découverte », disait László Moholy-Nagy. (Jusqu'au 13 février, jeudepaume.org)

L’architecte des hôpitaux

* Au Centre Pompidou, qui détient l'essentiel de son fonds, Paul Nelson (1895-1979), représentant très innovant du mouvement moderne en architecture, en particulier pour les hôpitaux (l’Hôpital mémorial France-États Unis de Saint-Lô, construit en 1956, puis ceux de Dinan et Arles). Né à Chicago, engagé dans l’armée américaine lors de la guerre de 14, il entreprend des études d’architecture en France sous la houlette d’Auguste Perret. Il en retient une trame constructive régulière, l’emploi du béton armé et le toit terrasse. Un centre homéopathique en 1927, la Cité hospitalière de Lille en 1933, le pavillon de chirurgie à Ismaïlia en 1935, où il installe une salle d’opération ovoïde pour l’asepsie, qui sera refusée du fait de sa proposition d’air conditionné. Ses premiers projets, trop novateurs, n’aboutissent pas. Mais cet adepte d’un programme organise la circulation, la spécialisation des bâtiments, un plateau technique en sous-sol, un lieu pour les consultations externes, une école de médecine, la flexibilité et l’évolutivité. Tout ce que l’on retrouvera à Saint-Lô, où il ajoute une fresque de Fernand Léger. Il est en effet très lié aux artistes, Calder, Miro, Arp, Charlotte Perriand, ayant construit l’atelier de Georges Braque à Varengeville-sur-mer en 1931. Pour les architectes, son grand projet demeure la Maison suspendue (1935-1939), pour laquelle il associe le béton, l’acier et le verre translucide. (Jusqu'au 28 février, centrepompidou.fr)

Caroline Chaine
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Source : Le Quotidien du médecin