À l'Opéra de Paris

Décevant début de saison

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Publié le 14/10/2019
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Une création chorégraphique peu glorieuse (Hiroshi Sugimoto), une « Traviata » gadget, des « Indes galantes » purement décoratives : pour l'Opéra de Paris, qui célèbre ses 350 ans, une rentrée qui fait pschitt !
« Les Indes galantes »

« Les Indes galantes »
Crédit photo : LITTLE SHAO/OPÉRA DE PARIS

Pour la nouvelle création du Ballet de l'Opéra de Paris, on n'a pas lésiné sur les moyens. Des personnalités du monde artistique contemporain ont été convoquées : le plasticien scénographe japonais Hiroshi Sugimoto, le compositeur Ryoji Ikeda, le chorégraphe italien Alessio Silvestrin, le vidéaste Tomonaga Tokuyama, le costumier venu de la mode Rick Owens, des acteurs du Nô. Ajoutons un scénario d’après le poète irlandais William Butler Yeats. Voici « At the Hawk’s Well », pièce de 40 longues minutes d’un raffinement esthétique exquis, mais vide de contenu autant chorégraphique que théâtral, avec son mélange d’esthétique manga, fashionista, à la sauce Nô, sa musique électronique agressive, si peu propice à la danse, et les accoutrements des danseurs frisant le ridicule.

Après cela la reprise de « Blake Works I » de William Forsythe est un baume pour les yeux et les oreilles, avec la musique gentiment pop de James Blake, « The Colour in Anything », une suite de sept chansons délicieusement rétros. « Blake Works I » marquait en 2016 le retour de Forsythe au BOP. Pour faire danser une nouvelle génération, il avait créé cette courte pièce néobalanchinienne totalement jubilatoire, où l’on ne perd pas une minute. Cela swingue avec des déhanchements peu académiques. On distingue particulièrement Marion Barbeau et Florent Melac, deux espoirs du BOP, qui enchantent dans le duo « Forever », et d’autres plus aguerris, comme Léonore Baulac et Hugo Marchand.

Des gadgets pour Verdi

Au Palais Garnier, la nouvelle production de « la Traviata » de Verdi est signée par le metteur en scène australien Simon Stone. L'opéra romantique est transposé dans le monde branché et virtuel d’aujourd’hui à grand renfort de vidéos et gadgets stupides, et sans vraie direction d’acteurs.

Ce spectacle aussi pauvre que ridicule propose deux distributions. Le soprano tchèque Zuzana Marková  a une grande voix solide, qui surmonte les difficultés techniques du rôle-titre. Mais elle manque de rondeur et sonne parfois creux dans le médium, comme cela a été le cas dans la première partie de «Sempre libera». On reconnaîtra cependant à la chanteuse un grand sang-froid, car elle ne se démonte pas quand les rires du public fusent à la lecture de la conversation sur WhatsApp qui illustre ce morceau de bravoure de l’opéra. L’Alfredo du Brésilien Atalla Ayan n’a rien perdu du charme vocal qu’on avait apprécié dans « la Bohème » à l’Opéra Bastille, autre production branchée qui restera emblématique de certains choix esthétiques du directeur sortant Stéphane Lissner.

La direction musicale du chef italien Michele Mariotti restera le meilleur souvenir de cette soirée. Il tire de l’Orchestre de l’Opéra de Paris des nuances et envolées remarquables et donne un peu de crédibilité dramatique à cette curieuse et facile relecture d’une œuvre phare du répertoire.

Du krump pour Rameau

Même frustration pour la nouvelle production des « Indes galantes » de Rameau, annoncée comme l’événement de la rentrée. Au départ, un clip vidéo réalisé par le cinéaste très en vogue Clément Cogitore sur la 3e Scène de l’Opéra de Paris (plateforme de création sur le Web), clip qui a remporté un succès sans précédent. La Danse du calumet de la paix, apothéose de la 4e entrée de l'opéra-ballet créé en 1735, y est interprétée par des danseurs de krump. La scène est reprise ici, mais le reste de la production, soit 3 h 40 de spectacle, est loin d’être à la hauteur. Une fois de plus, une scénographie très spectaculaire et des costumes très branchés tiennent lieu de spectacle et la direction d’acteurs laisse à désirer. Tandis que la chorégraphie « urbaine » de Bintou Dembélé a des airs de déjà déjà vu.

Dommage, car la distribution française (Sabine Devieilhe, Julie Fuchs, Florian Sempey, Stanislas de Barbeyrac…) est, avec des réserves par rapport au style si fragile de Rameau, ce que l’on peut réunir de mieux aujourd’hui, et la direction de l’Orchestre Cappella Mediterranea  et du Chœur de chambre de Namur par Leonardo Garcia Alarcón le meilleur souvenir de cette longue soirée. 

 

 

 

 

 

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin