Molière, Teulé, Feydeau sur scène à Paris

Des auteurs pour rire

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Publié le 22/04/2022
Un « Avare » d’anthologie, une « École des femmes » à l’italienne, un « Montespan » à découvrir et « Mais n’te promène donc pas toute nue ! » pour oublier tous les soucis.
« Le Montespan »

« Le Montespan »
Crédit photo : FABIENNE RAPPENEAU

* Autant l’avouer, il vous faudra sans doute être patient pour décrocher des places à la Comédie-Française et passer deux heures de folie en compagnie d’une partie excellente de la Troupe. Dans le cadre du 400e anniversaire de la naissance de Jean-Baptiste Poquelin, la nouvelle production de « l'Avare », une mise en scène de Lilo Baur avec Laurent Stocker dans le rôle-titre, est une réussite épatante. L’artiste suisse installe l’action dans les Alpes ! Harpagon, cheveux blonds bouffants et veste bleu roy, survolté et flagorneur, est irrésistible. Stocker est immense ! Tout est clair, précis, chacun offre sa forte personnalité aux personnages : Françoise Gillard est méconnaissable en Frosine années 1950 et Jean Chevallier, Cléante, le fils maltraité, confirme son profond talent. (Comédie-Française, en alternance jusqu’au 24 juillet, durée 2 h 05, comedie-francaise.fr. Spectacle filmé disponible à partir du 2 mai sur pathelive.com/lavare).

* Autre Molière, « l’École des femmes », montée par Anthony Magnier au Lucernaire. Trois comédiens seulement incarnent tous les protagonistes. Mikael Fasulo est le seul Arnolphe, mais Eva Dumont et Agathe Baudrières, qui incarnent Agnès en alternance, jouent également, sous un masque de commedia dell’arte, Georgette, la servante. Même dédoublement pour Victorien Robert et Matthieu Hornuss, tour à tour Horace, l’amoureux, et Alain, le valet et geôlier. C’est joué à toute allure. Agnès est une poupée mécanique qui s’éveille. Arnolphe est odieux, mais on a de la compassion pour lui. (Lucernaire, jusqu’au 29 mai, durée 1 h 30, lucernaire.fr)

* Jean Teulé aime l’histoire et les histoires. Avec sa manière habituelle, leste, insolente, il s’est intéressé au mari de la Montespan, la favorite de Louis XIV à partir de 1667. « Le » Montespan, blessé par sa disgrâce, se bat, tente de lutter contre le Roi-Soleil. Mais il est chassé de la cour de Versailles et sera emprisonné avant de devoir s’exiler sur ses terres de Guyenne. Très bien adapté par Salomé Villiers, mis en scène par Étienne Launay, dans des décors très inventifs d’Emmanuel Charles, « Le Montespan » est un spectacle très intéressant. Trois comédiens : Salomé Villiers elle-même, Simon Larvaron, son époux trompé, et, dans une cascade de personnages, l’extraordinaire Michaël Hirsch, qui se métamorphose à toute allure, toujours différent et toujours excellent. (La Huchette, pas de date de fin, durée 1 h 35, theatre-huchette.com)

* Enfin, pour rire encore, et de très bon cœur, « Mais n’te promène pas toute nue ! », du formidable Georges Feydeau. Un vaudeville de poche, un « lever de rideau » précédé des considérations absurdes et cocasses de trois individus que l’on retrouve dans la pièce elle-même. Perchés sur des tabourets, Léonard Bertrand, Manuel Le Lièvre et Dominique Parent nous offrent un bref hors-d’œuvre. Les deux derniers sont aussi à l’aise chez Novarina que chez le grandiose Feydeau ! On ne vous résumera pas l’argument, si vous l’avez oublié, vous n’en goûterez que mieux la mise en scène astucieuse et fine d’Anne-Marie Etienne. Dans le rôle de la jeune femme qui s’attarde en petite tenue, Marie Torreton est excellente. Elle a du charme, de la grâce, une élégance très séduisante. Elle a beaucoup d’esprit et face aux très grands acteurs que sont Manuel Le Lièvre, un génie, et Dominique Parent, magistral, elle tient le coup ! (Théâtre de Poche, jusqu’à l’été, durée 1 h 15, theatredepoche-montparnasse.com)

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin