Les films de la quinzaine

Des formes de résistance

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Publié le 24/03/2023

L'une, au Chili, va pendant la dictature militaire soigner un dissident caché. L'autre, près de chez nous, part vivre dans les bois. Des pas de côté qui interrogent.

« Ailleurs si j'y suis »

« Ailleurs si j'y suis »
Crédit photo : UFO DISTRIBUTION

* « Chili 1976 », de Manuela Martelli

Femme de médecin, membre d'une classe moyenne supérieure plutôt conservatrice, Carmen part superviser la maison familiale du bord de mer, où vont passer mari, enfants et petits-enfants. Une tâche dont elle s'occupe sans problème, sauf que nous sommes au Chili en 1976, trois ans après le coup d'État de Pinochet, l'une des années les plus sombres de la dictature, et que le prêtre lui demande de s'occuper d'un garçon qu'il héberge en secret. « Comment pouvions-nous faire comme si de rien n'était et vivre notre quotidien tandis qu'à l'extérieur les dissidents étaient jetés dans l'océan », questionne Manuela Martelli ? Née en 1983, la comédienne devenue réalisatrice, qui signe son premier long métrage, a choisi de raconter cette période très sombre de l'histoire de son pays à travers le regard d'une femme à la vie jusque-là banale. Une vision d'autant plus intéressante que Carmen est incarnée par l'intelligente et sensible Aline Küppenheim (« Une femme fantastique »).

* « Ailleurs si j'y suis », de François Pirot (sortie le 29 mars)

Sous pression dans sa profession comme dans sa vie privée, un homme s'enfonce dans la forêt qui jouxte sa belle maison. Son acte aura des conséquences pour tous ceux qui attendaient beaucoup de lui, épouse, patron, père, ami. Ce pourrait être une tragédie existentielle, c'est plutôt un conte, une comédie qui flirte légèrement avec le burlesque. Dans son deuxième film, le cinéaste belge François Pirot met en scène cette insatisfaction contemporaine d'une société plutôt privilégiée « mais qui peine à se réinventer, à se construire des idéaux ou des croyances afin d’aborder l’avenir avec un minimum d'enthousiasme ». D'où des personnages un peu prototypes, à la limite de la caricature, que des acteurs expérimentés qu'on a aimé dans de nombreux films incarnent avec gourmandise. La prime à Suzanne Clément, alerte et savoureuse épouse en crise, tandis que Jérémie Rénier incarne avec le sérieux requis l'homme pressé qui découvre les plaisirs simples du bain dans un étang ou du pépiement d'un oiseau. Jean-Luc Bideau, Jackie Berroyer, Samir Guesmi font leur numéro et c'est un plaisir. Même si à l'arrivée, on reste un peu sur sa faim de cinéma.

* Et aussi

Parmi les nouveautés de la semaine, retenons aussi « De grandes espérances », thriller politique de Sylvain Desclous avec Rebecca Marder et Benjamin Lavernhe ; « Sur les chemins noirs », de Denis Imbert, adaptation du livre de Sylvain Tesson avec Jean Dujardin. Et à partir du mercredi 29 mars, « Je verrai toujours vos visages », de Jeanne Herry, sur la justice restaurative, avec Adèle Exarchopoulos et Leïla Bekhti ; « Bonne conduite », de Jonathan Barré, avec Laure Calamy en formatrice de sécurité routière le jour, tueuse de chauffards la nuit ; « The Lost King », de Stephen Frears avec Sally Hawkins, l'histoire vraie d'une femme passionnée d'histoire à la recherche de la dépouille de Richard III.

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin