Cinq valeurs sûres en devanture

Des pointures de la littérature

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Publié le 17/09/2021
D’ici ou d’ailleurs, Philippe Jaenada, Lionel Shriver, Stéphanie Janicot, Maryse Condé et Amitav Ghosh comptent parmi les auteurs que l’on peut lire « les yeux fermés » !

* Auteur d’une douzaine de romans inspirés par sa propre vie (« le Chameau sauvage », prix de Flore) et par des faits divers marquants (« la Petite Femelle » sur Pauline Dubuisson, ou « la Serpe », sur le triple assassinat du château familial d’Escoire impliquant Georges Arnaud, prix Femina 2017), Philippe Jaenada revient, dans « Au printemps des monstres », sur le meurtre de Luc Taron, 11 ans, en 1964 (l’année de naissance de l’auteur), à Verrières-le-Buisson (Essonne). En disséquant – avec les innombrables digressions, apartés et approfondissements dont il est friand –, les incroyables péripéties de cette affaire où un corbeau qui signait « l'Étrangleur » a inondé les parents, les policiers et les journalistes de messages ignobles revendiquant le crime, Philippe Jaenada brosse, aussi, un portrait approfondi – et ironique – d'une société qui préfigurait selon lui la nôtre. Où tout le monde truque, ment, triche et où les pervers, les fous, les odieux, les monstres ne sont pas souvent ceux qu’on désigne. (Mialet Barrault, 749 p., 23 €)

* Après « les Mandible », où elle décrivait l’inéluctable délitement d’une famille après la faillite des États-Unis et avant l’écroulement du reste du monde, l’Américaine Lionel Shriver s’attache aux pas d’un couple de sexagénaires pour attaquer un phénomène de nos sociétés névrosées : l’obsession de la santé et du culte du corps. « Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes » décrit les divagations du mari poussé contre son gré à la retraite, jusqu’alors plutôt pantouflard et qui décide de courir un marathon, s’entraîne sans relâche sous la houlette d’une coach aussi sexy qu’autoritaire. Sous le regard bientôt horrifié de son épouse, qui a dû arrêter le sport pour cause d’arthrose avancée du genou. Un roman caustique et ironique où l’auteure, à son habitude, gratte là où ça fait mal. (Belfond, 383 p., 22 €).

* À lire sur le même thème « L'île du docteur Faust » de Stéphanie Janicot, qui aime on le sait à se jouer des mythes et des légendes. Huit femmes d’origines différentes ont acheté leur passage pour une île imaginaire au large de la Bretagne, où un mystérieux docteur Faust leur promet d’effacer les marques des années. D’effacer le temps, pour, espèrent-elles, réussir enfin leur vie. La neuvième passagère saura-t-elle rester dans son rôle d’observatrice et résister au fantasme de la jeunesse éternelle ? (Albin Michel, 292 p., 19,90 €)

* Malade, obligée de dicter ses mots car dans l’incapacité physique d’écrire, Maryse Condé l’Antillaise, dont l’œuvre maintes fois couronnée, riche d’une cinquantaine d’ouvrages, lui a valu en 2018 le « Nobel alternatif », offre à 84 ans une réécriture du Nouveau Testament, transplanté en Guadeloupe. « L’Évangile du nouveau monde » est un conte autour d’un nouveau-né métis trouvé dans un jardin dont on dit qu’il peut être le fils de Dieu. L’enfant grandit, porté par la rumeur et bientôt en quête de ses origines pour comprendre le sens de sa mission, la nature des hommes et la place des dieux. La morale de l’histoire ? Seul l’amour que nous portons aux autres permet de supporter souffrance, désillusions, avanies de toutes sortes, « seul cet amour-là peut transfigurer le monde et le rendre harmonieux ». (Buchet-Chastel, 279 p., 20 €)

* Dans son essai « le Grand Dérangement », l’écrivain indien de renommée internationale Amitav Ghosh (« les Feux du Bengale », prix Médicis étranger) se demandait pourquoi le dérèglement climatique était absent de la littérature contemporaine. Il y remédie avec « la Déesse et le Marchand », l’épopée d’un paisible vendeur de livres anciens qui se lance sur les traces d’une mystérieuse légende bengalaise afin de découvrir ce qui se cache derrière les mots. Commence une folle aventure de l’Inde au Bangladesh, aux États-Unis et à Venise, menacés et dévastés par la montée des eaux ou les feux de forêt, qui poussent les hommes à s’engager sur les routes de l’exil. En faisant se joindre les savoureuses légendes anciennes et les tristes réalités contemporaines, l’auteur donne un roman d’aventures divertissant, en même temps qu’il interroge sur la manière dont l’homme occupe le monde. (Actes Sud, 307p., 22,50 €)

 

 

 

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin