LIVRES - Jean Giono, Alphonse Boudard, Eugène Nicole

Des rééditions de poids

Publié le 01/02/2011
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PRÉSENTÉ en Quarto sous la direction de Mireille Sacotte, avec biographie et bibliographie de Jean Giono, ses « Chroniques romanesques » (1) réunissent 8 récits qui ont en commun l’individu et ses passions : « Un roi sans divertissement », « les Âmes fortes » (1950), « les Grands Chemins » (1951), « le Moulin de Pologne » (1952), « Deux cavaliers de l’orage » (1965), « Ennemonde » (1968), « l’Iris de Suse » (1970) et « Noé » (1948).

Le décor est celui du Haut-Pays, une sorte de très haute Provence minérale, livrée au vent et à la solitude. De petites sociétés mauvaises se regroupent dans les bourgs ; le reste du pays est sillonné par des « âmes fortes ». Des êtres de démesure qui oscillent entre le goût de dominer, de manipuler et, à la fin, de tuer et celui, non moins impérieux, de se perdre. « La chasse et le jeu dont l’enjeu est la vie sont les occupations fortes de cette ’’haute civilisation’’ », note Mireille Sacotte.

Et, de fait, à l’apogée de sa maîtrise de romancier, Jean Giono s’amuse à maintenir le lecteur dans une sorte d’insécurité, variant sans cesse ses techniques pour brouiller les pistes, rendre les personnages insaisissables et le récit problématique. Au fil de ces histoires extraordinaires, ce lecteur devient à son tour enquêteur, autant dire chasseur et personnage du Haut Pays.

Boudard aux trois visages.

Les trois titres réunis dans « les Métamorphoses d’Alphonse » (2) dévoilent le triple visage d’Alphonse Boudard, romancier, biographe et historien. Dans « Mourir d’enfance », l’écrivain évoque ses années de jeunesse et ses relations avec sa mère. L’ouvrage fut couronné du Grand Prix du roman de l’Académie français en 1995. Deux ans avant sa mort en 2000, à 73 ans, Alphonse Boudard livrait, dans « l’Étrange Monsieur Joseph », le portrait d’un personnage hors-norme qu’il avait rencontré en prison, ferrailleur juif, embrouilleur professionnel, pourvoyeur de métaux pour les nazis, voguant de façon ambiguë durant la guerre entre la Gestapo et l’armée des Ombres. S’ajoute « la Fermeture », paru en 1986 et consacré aux maisons closes.

On sait par ailleurs que l’écrivain, qui a fait une entrée éclatante en littérature en 1962 avec « la Métamorphose des cloportes », a reçu le prix Renaudot en 1977 pour « les Combattants du petit bonheur ».

Mais ce triptyque forme un ensemble cohérent, en cela qu’il reflète le regard que Boudard jetait sur cette période de l’avant-guerre à l’après-guerre en passant par les années d’Occupation, période durant laquelle il a lui-même traversé des univers aussi distincts que ceux de la Résistance et des Forces françaises libres d’un côté, de la pègre, de la prostitution et de la prison de l’autre.

La grande œuvre de Nicole.

Parler de grande œuvre pour Eugène Nicole, n’est pas un vain mot. Avec l’édition qui paraît aujourd’hui sous le titre « l’Œuvre des mers » (3), il touche à la fin. Mais remontons le cours du temps. Eugène Nicole avait 14 ans lorsque, en 1956, il a quitté son archipel natal, Saint-Pierre-et-Miquelon, pour poursuivre ses études en France. Des années plus tard, il s’est attelé à un projet ambitieux : raconter son archipel (242 km2, au large du Canada), un monde rude, marqué par la mer, la neige, la brume où vivent quelques milliers d’êtres qui se connaissent plus ou moins. C’est ainsi que sont parus « l’Œuvre des mers » en 1988, « les Larmes de pierre » en 1991 et « le Caillou de l’Enfant-Perdu » en 1996, complétés, en 2003 de « la Ville sous son jour clair », où l’on ressent la modification du rapport de l’auteur à son île qui, désormais, entre dans le monde moderne.

L’actuelle édition regroupe ces quatre livres, auxquels est joint un inédit, dont l’écriture s’est achevée en septembre 2010 à New York, « Un adieu au long cours ». Cet ultime épisode pourrait bien être le point final de la longue traversée autobiographique – foisonnante de destins étranges et souvent tragiques – entamée il y a plus de trente-cinq ans par son auteur-narrateur.

(1) Gallimard, 1451 p., 55 documents, 33 euros.

(2) Robert Laffont, 803 p., 29 euros.

(3) Éditions de l’Olivier, 942 p., 26 euros.

MARTINE FRENEUIL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8897