Deux grands interprètes

BEAUCOUP de talents sont ici réunis et pourtant quelque chose n’est pas complètement heureux dans ce spectacle. On en sort mal à l’aise. On rit, parce qu’il y a beaucoup de répliques drôles, énormément d’irrésistibles moments de jeu, on rit parce que Catherine Hiegel, sérieuse, et Pierre Arditi, tout en mimiques, à l’Italienne, sont merveilleux.

Dans un décor simple et harmonieux, une banquette le long d’un haut mur blanc, des effets de lumières qui donnent des couleurs tendres, les éclairs d’une télévision en marche (le seul accessoire, ici, est une « zapette »), les deux comédiens passent d’une saynète à l’autre par des noirs. Ils sont à la maison. Ils ont la soixantaine. Elle se prénomme Solange. Lui, Henri. Mais l’auteur ne les désigne pas autrement que par « Monsieur », « Madame ». Chaque scène commence de la même façon : « Moi je crois pas », dit Monsieur. Cela va de « Que les fayots font péter » (le pétomane continue de faire rire) à « Moi je crois pas au 11 novembre » (en fait il veut parler du 11 septembre), en passant par « Moi je crois pas qu’il y ait une vie après la mort » et par « Moi je crois pas… qu’il y en ait eu tellement que ça ». Quoi ? Des morts... mais quels morts Grumberg joue avec le feu. On est désolé, mais ce n’est pas drôle du tout. Évidemment l’auteur de « l’Atelier », de « Zone libre », peut tout se permettre. Mais on l’a connu plus incisif.

Et puis alors ? Qu’est ce que c’est que ce couple ? Elle ne sait pas faire la cuisine, elle regarde des documentaires animaliers à la télé, il ne parle qu’en dénégations, négations, assurance petite-bourgeoise. Vieux rejetons de Jarry et de Ionesco. Mais au ras des acariens de la moquette. On respire mal.

Tant de talent ! Tant d’intelligence ! Et Jean-Claude Grumberg ? Il n’y a donc personne pour lui dire que ce n’est pas toujours excellent ?

Théâtre du Rond-Point (tél. 01.44.95.98.21), à 18 h 30 du mardi au dimanche. Jusqu’au 24 mars. Durée : 1 h 10. Texte publié par Actes Sud-Papiers (12 euros).