Shakespeare, Kafka, Buzzati

Grands auteurs, spectacles heureux

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Publié le 23/01/2020

Quatre spectacles, sélection de mises en scène intéressantes, divertissantes, émouvantes, données par des équipes artistiques fortes.

« La Mégère Apprivoisée »

« La Mégère Apprivoisée »
Crédit photo : MARION DUHAMEL

Commençons par Shakespeare. À l’ArtisticThéâtre (1), Frédérique Lazarini adapte d’une manière originale « la Mégère apprivoisée ». Elle a allégé la comédie mais lui apporte un supplément de joie en conservant l’Italie où se situe l’action et en opérant un déplacement dans le temps.

Les aventures de la belle et souvent indomptable Catarina et de son Petruchio d’amoureux se déroulent du côté de la comédie des années 1950-1960 ! Le décor de François Cabanat évoque un petit espace en plein air, des bancs de bois tout simples, face à un écran. Une partie du spectacle est filmée et certains protagonistes ne sont pas sur le plateau. Saluons Charlotte Durand-Raucher (Bianca), belle brune flamboyante, Didier Lesour (le prêtre), Hugo Petitier (Gremio), Jules Dalmas (Hortensio). Un film de Bernard Malaterre, avec son découpage et son va-et-vient efficaces.

Sur le plateau, dans les jolis costumes de Dominique Bourde, Sarah Biasini offre sa grâce étourdissante à Catarin, face au Petruchio de Cédric Colas, séducteur façon Mastroianni. Ses amis Lucentio, Pierre Einaudi, et Tranio, Guillaume Veyre, sont excellents. Quant à Maxime Lombard, qui joue Baptista, le père de l’héroïne, il est savoureux, et, malgré un physique différent, atteint la grandeur d’un Galabru.

Que de K !

Plus grave est Kafka, dont deux adaptations sont proposées actuellement. Dans une salle nouvellement ouverte au sein d’un centre culturel, le 100 (2), Bernard Sobel s’empare d’un chapitre du « Château », dernier roman, inachevé, de l’écrivain de Prague. « Le Secret d’Amalia » est pour l’essentiel la transcription, d’après la traduction de Jean-Pierre Lefebvre (Pléiade), d’un récit ici mené par une comédienne fascinante, Valentine Catzéflis. Un récit adressé à K., l’arpenteur qui cherche à comprendre et qu’incarne en peu de mots et avec une présence profonde Matthieu Marie, avec apparition d’Amalia, Mathilde Marsan. Théâtre fort et pur.

Sylvie Blotnikas, elle, a adapté certains brefs textes de Franz Kafka et puisé dans sa correspondance administrative. Elle met en scène au Lucernaire (3) et joue, avec l’ultrasensible Julien Rochefort, « les Récits de Monsieur Kafka ». C’est touchant, très bien joué avec finesse et cette juste distance d’ironie qui doit même conduire au rire, car Kafka avait l’humour des êtres trop lucides.

Au Rive-Gauche (4), on retrouve, lesté du poids du temps, une adaptation revue du « K » de Dino Buzzati. Xavier Jaillard, homme d’esprit, a merveilleusement transposé et réduit treize des nouvelles du recueil de l’amoureux du fantastique et de la réalité du monde. Dix ans après la première création du spectacle, il dirige le sublime Grégori Baquet. Seul en scène, avec pour tout décor, une grande lettre K qui se métamorphose, il trouve le juste ton, dans diverses incarnations des personnages et de l’encre même du grand écrivain du « Désert des Tartares ».

Parmi les autres spectacles à l'affiche à Paris, signalons que « la Mouche », par Christian Hecq et Valérie Lesort, joue à guichets fermés aux Bouffes du Nord, jusqu’au 1er février, de même que, pour le moment, « Une histoire d’amour », d’Alexis Michalik, à la Scala.

(1) Jusqu’au printemps. Durée 1 h 40. Tél. 01.43.56.38.32, artistictheatre.com
(2) Jusqu’au 1e r février. Durée 1 h 20. www.100ecs.fr
(3) Jusqu’au 1e mars. Tél. 01.44.57.34.11, lucernaire.fr
(4) Jusqu’au printemps. Durée 1 h 15. Tél. 01.43.35.32.32, theatre-rive-gauche.com

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin