THEATRE - « Race », de David Mamet

Haletant et efficace

Publié le 29/02/2012
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CELA SE PASSE aux États-Unis. Un homme fortuné et connu, un homme blanc, est accusé d’avoir violé une jeune femme noire. Elle a porté plainte. Cet homme, Charles (Thibault de Montalembert) consulte un cabinet d’avocats. Jack (Yvan Attal) et son associé noir, Henry (Alex Descas), examinent avec lucidité la situation. Henry sait que Charles les a choisis parce que justement lui est noir. Il ne souhaite pas que le cabinet accepte de défendre l’accusé. Mais la jeune assistante du bureau, Susan (Sara Martins), a fait du zèle et précipité les mécanismes d’enregistrement auprès du procureur. Les deux avocats n’ont plus le choix.

La pièce de David Mamet, comme la plupart des œuvres de l’auteur, est écrite d’une manière très efficace. Répliques brèves qui s’échangent comme des balles, information clairement données, suspense savamment tenu. On croit tout comprendre, on croit que tout est clair, on croit que la question pourrait être simplement celle de la culpabilité de Charles. Or, il n’en est rien et sous la limpidité des phrases, court l’autre intrigue, celle qui intéresse David Mamet et passe par la personnalité ambivalente de la jeune assistante. Un seul personnage voit clair dans son jeu, Henry.

Ce n’est pas pour rien que David Mamet a choisi ce titre de « Race ». Ce que raconte la pièce, par-delà l’anecdote – qui rappelle évidemment l’affaire DSK, mais la pièce a été créée en 2009 – est très dur, très violent. Pierre Laville, traducteur de l’écrivain depuis les premières pièces, connaît parfaitement l’univers mental de Mamet. L’adaptation rend compte de la nervosité des influx, de la tension des répliques, de la musicalité profonde de l’écriture.

Dans un décor harmonieux de Jacques Gabel, ce bureau que l’on ne quitte pas, les comédiens dessinent avec finesse leurs personnages. Thibault de Montalembert avec ce qu’il faut de fatigue et de morgue mêlées en Charles ; Sara Martins avec la grâce et l’ambiguïté d’une jeune femme sourdement revendicatrice ; Alex Descas avec l’autorité d’un interprète de talent et la fermeté d’un personnage sans illusion. Yvan Attal, qui débute au théâtre et a choisi la pièce, le rôle, donne à Jack, homme intelligent, avocat virtuose, ce qu’il faut de douceur et de doute. C’est très intéressant.

Comédie des Champs-Élysées (tél. 01.53.23.99.19, www.comediedeschampselysees.com), à 20 h 30 du mardi au samedi. Durée : 1 h 40 sans entracte. Texte publié par « l’Avant-scène Théâtre » (12 euros).

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9090