Au musée Maillol et au Mémorial de la Shoah

Heurs et malheurs du marché de l'art

Par
Publié le 11/04/2019
Art-Van Gogh

Art-Van Gogh
Crédit photo : SIK-ISEA, ZURICH/J.-P. KUHN

« La collection Emil Bührle », dont le musée Maillol (1) présente une soixantaine de trésors, est l'une des collections particulières les plus prestigieuses au monde. L’Allemand Emil Bührle (1890-1956) découvre les impressionnistes au musée de Berlin en 1913, c'est le début d’une passion. Après des études d’art, il entre dans l’entreprise d’armement de la famille de sa femme, s’installe en Suisse en 1924. Avant la guerre, il vend des armes à la France et à l’Angleterre, après aux États-Unis et pendant à l’Allemagne.

Entre 1936 et 1956 et surtout au cours de ses 10 dernières années, Emil Bührle rassemble plus de 600 œuvres d’art, impressionnistes, nabis, fauves, cubistes, de l’École de Paris, et quelques Picasso. Sa collection est celle d’un amateur éclairé. Ses premiers achats sont des paysages de Monet et Pissarro, suivis par des tableaux de paysagistes hollandais, car il recherche des filiations entre les courants artistiques. Manet le mène à Frans Hals. Cézanne, pour lui, « oriente le futur ». De Van Gogh, il achète des œuvres de toutes ses époques, dont le fameux « Semeur » d’Arles, inspiré de Millet. De Gauguin, des œuvres de Tahiti et une composition de tournesols en souvenir du séjour avec Van Gogh. À partir de 1950, il acquiert des tableaux modernes, de Braque, Picasso, Derain. Toujours de grande qualité. Ses choix témoignent aussi de l’évolution du goût.

Après la guerre, le service chargé de la récupération d'œuvres d'art spoliées par les Nazis en trouve 13 chez Bührle. En 1948, sur ordre du Tribunal fédéral suisse, il doit les restituer. Il en rachète 9 à leurs propriétaires, dont le marchand d'art Paul Rosenberg. Quatre d’entre elles sont présentées dans l'exposition, « la Liseuse » de Corot, « Été à Bougival » de Sisley, « Avant le départ » et « Danseuses au foyer » de Degas. Un peu plus tard, l'industriel réussira à prouver sa bonne fois lors de l'acquisition de ces tableaux à une galerie de Lucerne et obtiendra leur remboursement.

La restitution n'est pas finie

Pour en savoir plus sur « Le marché de l'art sous l'Occupation », direction le Mémorial de la Shoah. L'historienne de l'art Emmanuelle Polack a mené l'enquête, s'attachant aux relations entre marchands, commissaires-priseurs, experts, conservateurs de musée. Elle publie un livre chez Tallandier (« Le Marché de l'art sous l'Occupation 1940-1944 ») et est la commissaire scientifique de l'exposition.

Après la promulgation du statut des juifs, qui les exclut de certaines professions, leurs biens sont confisqués dès l’été 1941, ce qui alimente le marché de l’art. L’exposition se focalise sur le devenir de quatre galeries, celles de Berthe Weill, Pierre Loeb, Paul Rosenberg et René Gimpel, le marché florissant de l’Hôtel Drouot à Paris et la dispersion en juin 1942 de la collection Dorville à Nice en zone libre. Les accords de Washington en 1998 déterminent les règles de restitution des biens culturels volés par les Nazis. La tâche n’est pas achevée.

Par ailleurs, le Mémorial de la Shoah poursuit son travail pour la reconnaissance et la mémoire des génocides avec une double exposition, à Paris et Drancy, sur le génocide des Tutsis au Rwanda, il y a 25 ans (jusqu'au 17 novembre).

 

(1) Jusqu'au 21 juillet, www.museemaillol.com

(2) Jusqu'au 3 novembre, www.memorialdelashoah.org

 

Caroline Chaine

Source : Le Quotidien du médecin: 9740