L'auteur se livre à un terrible examen des affirmations d'Hannah Arendt. Celle-ci, cherchant à minimiser le rôle de son maître, écrit : « Les savants que les nazis mirent en premier au rancart, parce qu’ils leur étaient relativement inutiles, furent les nationalistes démodés comme Heidegger ». Tout en affirmant, trois lignes plus loin, que ce dernier « a rendu le nazisme respectable au sein de l'élite universitaire ».
Loin d'être ce naïf démodé, Heidegger est intervenu énergiquement à l'université pour supprimer les libertés académiques et instituer le « principe du Führer ». On le verra par ailleurs légitimer l'eugénisme auprès des médecins et militer pour la création d'une chaire « d'hygiène raciale et de biologie héréditaire ».
Dans l'un de ses principaux ouvrages, « les Origines du totalitarisme » (1951), dans lequel elle compare le stalinisme et le nazisme, Hannah Arendt affirme que « les idées et les techniques qui aboutirent aux usines de la mort » vinrent « des politiciens qui prirent au sérieux le pouvoir politique ». Quant aux techniques de mise à mort, elle les met sur le compte d'hommes modernes « issus de la populace ». On a bien compris, aucune responsabilité pour les élites intellectuelles, mais une idéologie cultivée par des idéologues de bas niveau, comme Eichmann ?
Faisant une très rigoureuse recension des thèmes principaux de l'œuvre d'Arendt, Emmanuel Faye retrouve de très curieuses coïncidences. Entre autres cette idée d'une « autodestruction du peuple juif » ! Plus tard, analysant une modernité qu'il déteste, Heidegger la caractérise comme l'« absence de patrie » (Heimatlosigkeit). Une idée qu'Arendt reprend dans « Condition de l'homme moderne » (1958)
C'est toujours au travers d'une rhétorique heidegerienne qu'elle décrit les colonnes de déportés voués à l'extermination comme « bétail déshumanisé », gommant les très nombreux cas de résistance et de révolte, et se montre plus sensible au sort des Allemands expulsés après 1945 qu'à celui des juifs d'Europe.
L'ouvrage d'Emmanuel Faye créera sans doute la polémique. Reste qu'il est extrêmement précis et argumenté. Récemment parus, les « Cahiers noirs » d'Heidegger ne laissent aucune équivoque quant à l'antisémitisme d'un homme attaché aux critères du sang et de la race (« Blut und Boden »). Germaniste, Emmanuel Faye les utilise bien sûr. Déplorons qu'ils ne soient toujours pas traduits.
L'auteur établit qu'entre l'exécuteur de l'horreur jugé à Jérusalem et le penseur juché sur les hauteurs de l'Être, l'écart n'est pas si grand. Fallait-il qu'une juive allemande donne sa caution intellectuelle à l'indicible ?
Albin Michel, « Bibliothèque Idées », 560 p., 29 €
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