Quand, en janvier 1975, Keith Jarrett s'installe seul devant son piano dans la salle de l'Opéra de Cologne, en Allemagne, il est loin d'imaginer qu'il va réaliser là une performance musicale qui va entrer dans la légende de la musique en général et du jazz en particulier, le fameux Köln Concert (ECM).
Dès lors, la carrière du pianiste, découvert par Charles Lloyd et installé aux claviers électriques par Miles Davis, va décoller. Et le leader de vouloir poursuivre un travail en soliste absolu. Un exercice qu'il va renouveler souvent.
En juillet 2006, Jarrett investit le prestigieux cadre du Gran Teatro La Fenice de Venise, un des temples de l'opéra et de la musique classique en Italie, pour présenter à un public très respectueux des conventions une relecture de deux standards et d'une chanson traditionnelle et surtout huit créations spontanées originales.
En résulte aujourd'hui « La Fenice » (ECM/Universal), un double CD extraordinaire dans lequel le pianiste, montre avec éloquence et majesté l'infini de sa puissance créatrice en temps réel, appuyée par une technique étourdissante. Premier jazzman à recevoir un Lion d'or, lors de la récente édition du Festival international de musique contemporaine de la Biennale de Venise, Jarrett est pour des générations de pianistes un mentor. Le maître des claviers !
Bons élèves
Patrie de Chopin, la Pologne est aussi une terre de jazz et d'excellents pianistes. À l'image de Marcin Wasilewski, 43 ans, qui évolue en trio avec Slawomir Kurkiewicz, contrebasse, et Michal Miskiewicz, batterie. Avant de voler de leurs propres ailes, les trois musiciens ont accompagné durant de nombreuses années Tomasz Stanko, célèbre trompettiste polonais pionnier de la musique improvisée et du free-jazz, décédé il y a quelques mois.
Le trio vient se publier son premier album en public, gravé en 2016 au Jazz Middelheim Festival d'Anvers et baptisé tout simplement « Live » (ECM/Universal). Six titres, dont une reprise du « Message in the Bottle » de Sting et un hommage particulier au vénéré Herbie Hancock avec « Actual Proof », montrant le très haut degré d'homogénéité et de symbiose qui existe entre ces instrumentistes virtuoses, leur sens et leur compréhension mutuelle de l'improvisation et leur habileté à fédérer leurs idées.
Il en va des pianistes et des trios comme des chanteuses : ils sont pléthore, avec parfois une vraie révélation. Comme Amaury Faye. Originaire de Toulouse, installé en Belgique, le jeune homme a été l'élève de Joanne Brackeen à la Berklee School of Music de Boston, où il a obtenu le prix du meilleur pianiste en 2015, et cumule depuis les récompenses. Il confirme avec son premier opus, « Live In Brussels » (Hypnote Records), son statut de pianiste parmi les plus prometteurs de la scène jazz actuelle.
À la tête de son impeccable trio (Louis Navarro, contrebasse, Théo Lanau, batterie), Amaury Faye explore avec brio l'univers de Thelonious Monk (« Ugly Betty ») et relit avec spontanéité et fraîcheur des standards de J. Kern et G. Gershwin (« Fascinating Rhythm »). Sans oublier de livrer avec lyrisme et une technique de virtuose ses propres compositions.
Ce premier CD sur cinq d'un « road trip musical » met en lumière un trio admirablement structuré et de haute qualité musicale. Un trio à applaudir à Paris le 3 novembre, au Jazz Café Montparnasse.
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