Scolarisation des enfants handicapés

Les associations dénoncent le « désengagement de l’État »

Publié le 15/09/2009
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DANS LE LOT-ET-GARONNE, la mère d’un petit garçon de 3 ans souffrant d’un léger retard mental a porté plainte contre le ministère de l’Éducation nationale. Alors qu’elle s’était vu accorder en juillet par la commission des droits et de l’autonomie (CDA), l’aide d’un AVS, elle a eu la mauvaise surprise, en emmenant son enfant à l’école, de voir la directrice refuser de le prendre en charge. Depuis, le problème de cet enfant a été résolu mais sa maman a décidé de maintenir sa plainte pour « non-respect de la loi », en solidarité avec « tous ceux qui sont dans le même cas ».

Ils seraient une trentaine d’enfants « en situation de handicap » dans son département, probablement 2 000 sur le territoire français, à avoir été « laissés sur le carreau en cette rentrée 2009 », selon les estimations de l’APF.

Équation compliquée.

Cette situation est récurrente à chaque rentrée des classes. Mais cette année, les choses se compliquent.

En 2005, la loi du 11 février « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » a donné aux enfants handicapés le droit de s’inscrire en établissement « ordinaire », autrement dit dans l’école de leur quartier. « Les familles concernées ont pris conscience de leurs droits et osent réclamer leur dû », analyse Jean-Marie Barbier, président de l’APF. D’ailleurs, l’Éducation nationale affiche la scolarisation des enfants handicapés comme une « priorité nationale ».

Dès 2003, le mouvement d’intégration des enfants handicapés en milieu ordinaire prenait de l’ampleur, avec les premiers recrutements des AVS. Les missions des AVS sont très diverses. Il peut s’agir d’aider l’enfant à écrire ou à utiliser du matériel scolaire, à l’accompagner aux toilettes, s’occuper de lui entre les cours etc.

Chaque année, l’Éducation nationale compte 10 000 inscriptions supplémentaires d’enfants handicapés. Ils seraient ainsi cette année 185 000. Or 5 000 contrats AVS parviennent à leur fin. Ces contrats valent en effet pour trois ans, renouvelables une fois. « En 2007, on a créé 2 700 postes d’AVS, en 2008, 2 500. Cette année, l’équation est plus compliquée vu que 5 000 arrivent à échéance de leur contrat. »

Rupture de continuité.

Le 1 er septembre le ministère a signé avec trois associations, la FNASEPH (Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap), l’UNAPEI (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et leurs amis) et la Fédération générale des pupilles de l’enseignement public (FGPEP) une convention cadre qui leur permet de « reprendre » entre 1 000 à 1 500 AVS sur les 5 000 échus.

En « reprenant » ces contrats, les associations signataires seraient subventionnées par le ministère, qui leur verserait la rémunération des AVS, les charges et 10 % de frais de gestion. « Intenable », estime Jean-Marie Barbier, qui n’a pas (encore ?) décidé de signer cette convention. « Peut-on espérer un traitement équitable entre des AVS associatifs et les autres, employés par le ministère, qui exerceraient dans le même établissement », s’interroge-t-il. L’UNCEVS (Union nationale des collectifs des employés de vie scolaire), elle, considère qu’il y a clairement discrimination. « L’État a choisi de prendre en considération des auxiliaires qui se sont spécialisés dans quatre des 25 handicaps reconnus comme pouvant être intégrés en milieu scolaire ordinaire (la langue des signes, le braille, l’autisme profond et les déficients respiratoires). Quid des autres qui ont acquis, au cours d’une expérience qui va parfois jusqu’à onze ans, une réelle compétence d’accompagnement des autres enfants, atteints par d’autres handicaps », s’insurge Yves-Louis Boumier, qui représente l’UNCEVS.

Le problème qui se pose pour l’ensemble des associations, c’est la rupture de continuité du lien entre l’enfant et sa « prothèse humaine », terme trouvé par les Canadiens pour décrire l’auxiliaire de vie. Le Ministère annonce en effet, comme paradoxalement, la création de 5 000 AVS « aidés ». C’est-à-dire « précaires », estiment les associations. « Pourquoi ne pas conserver, donc titulariser les personnes déjà en poste, qui connaissent nos enfants ? Dans l’absolu, oui, nous voudrions une titularisation de ces emplois, qui ne sont jusqu’à présent que précaires. Et donc la reconnaissance du métier », résume Jean-Marie Barbier.

Luc Chatel, en déplacement la semaine dernière dans un collège à Évreux (Eure), a exprimé sa volonté de « créer à terme une véritable filière » pour ces métiers et attend que ses services lui « fassent des propositions ». De quoi réjouir l’APF qui, depuis six ans, réclame la professionnalisation de ces métiers. « Il y a des moments où cela ne doit pas être facile d’être fonctionnaire, puisqu’on leur a demandé de faire exactement le contraire. Et nous, nous nous sommes toujours vus opposer une fin de non-recevoir », commente, sceptique, le président de l’APF. Pour le moment, les associations n’ont pas été contactées en vue d’émettre d’éventuelles… propositions.

AUDREY BUSSIÈRE

Source : lequotidiendumedecin.fr