ARTS - À Paris, Raoul et Jean Dufy

Les frères du bonheur de peindre

Publié le 22/04/2011
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Crédit photo : ADAGP

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LEURS ŒUVRES sont vitales et vitalistes. Tout dans leur peinture respire l’harmonie et la joie de vivre. Ce n’est pas un hasard si l’on appelait Raoul Dufy (1877-1953) le peintre du bonheur. Son frère Jean (1888-1964), de 11 ans son cadet, est lui aussi à l’origine d’une peinture où dominent la volupté et l’esthétique. Ce dernier se forme à la peinture dans les premières années du XXe siècle et déploie rapidement une œuvre riche et variée, gaie et plaisante. Les deux artistes se rejoignent à la fois dans les thèmes qu’ils développent et dans l’utilisation qu’ils font de la couleur, ardente et pure.

Dès les premiers paysages impressionnistes de bords de mer réalisés dans sa ville natale du Havre (notamment la plage et la baie de Sainte-Adresse), Raoul Dufy fait chanter et danser son pinceau, puis, plus tard, libère franchement la couleur, qui devient plus pénétrante, plus fauve que jamais. Des jaunes éclatants, des rouges vifs et des bleus profonds envahissent les compositions, scènes de régates, de badauds sur la jetée, de bals populaires, de rues pavoisées et de fêtes foraines. Après une période d’exploration picturale où le peintre subit l’influence de Cézanne (géométrisation des formes et de l’espace, austérité des couleurs…), Raoul renoue avec un style allègre et enlevé. À l’instar de son frère, Jean compose des paysages de Côte d’Azur, des fenêtres ouvertes sur la Méditerranée, des vues d’ateliers qui s’animent d’une lumière irradiante et de tonalités joyeuses, servies par un trait tout en arabesques et en rondeurs.

Les styles de Raoul et Jean évoluent en parallèle : une manière de peindre faite de grandes taches de couleurs mêlées à un graphisme précis, laissant apparaître une foule de petits détails humains ou décoratifs. Chez Raoul, les rues pavoisées, les régates, les bals, les hommages aux musiciens ; chez Jean, les cirques et les allées cavalières. Tout respire la facilité et la grâce. Raoul et Jean Dufy les enchanteurs, ou l’immense bonheur de peindre.

Certes, les deux artistes ne peignent pas exactement de la même manière. Jean est plus ordonné et plus construit dans sa manière d’aborder l’espace. Ses couleurs sont volontiers plus stridentes. Il utilise moins que Raoul les effets de transparence. Mais on trouve chez l’un comme chez l’autre un charme éblouissant, une modernité, derrière lesquels se cache parfois une mélancolie, une solitude, celle de l’homme, implacablement petit dans sa condition. Les immenses masses sombres et pesantes des cargos noirs du port du Havre peints par Raoul et les tonalités sombres et inquiétantes que l’on distingue dans les paysages et les scènes de cirque de Jean seraient-elles là comme des ombres, pour nous rappeler que le bonheur est fragile ? Celui que l’un et l’autre répandirent sur leurs toiles n’en aurait alors que plus de valeur…

Musée Marmottan Monet. 2, rue Louis-Boilly, 16e, tél. 01.44.96.50.33. Tlj sauf lundi, de 10 à 18 heures (jeudi jusqu’à 20 heures). Jusqu’au 26 juin.

DAPHNÉ TESSON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8948