Le festival de Cannes

Les prix de la liberté

Publié le 26/05/2009
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- Un palmarès bien garni

Sur 20 films en compétition, neuf ont été d’une manière ou d’une autre récompensés (huit si l’on excepte « les Herbes folles » d’Alain Resnais, qui reçoit, privilège de l’âge, le jury aurait pu trouver mieux, un prix spécial pour l’ensemble de son œuvre). Ils méritaient d’être primés, a souligné la présidente Isabelle Huppert, qui n’a pas caché son admiration pour « le Ruban blanc », le « film extraordinaire » de Michael Haneke, qui a donc emporté la palme : une analyse, dans un beau noir et blanc, de l’éducation ultra-répressive qui, au début du siècle dernier, va conditionner toute une génération, jusqu’au fascisme ordinaire (sortie le 21 octobre). « Un prophète », de Jacques Audiard, obtient le grand prix mais méritait tout aussi bien, avec son intelligence et sa force, la récompense suprême (26 août). « Fish Tank », de la Britannique Andrea Arnold, portrait réaliste d’une adolescente en révolte, et « Thirst », du Coréen Park Chan-wook, conte avec vampires inspiré de...« Thérèse Raquin », se partagent le prix du jury.

Les prix d’interprétation, mérités, vont à Charlotte Gainsbourg pour son rôle dérangeant, y compris pour elle, dans « Antichrist », de Lars von Trier (3 juin), et à l’Autrichien Christoph Waltz, pour le personnage d’officier SS dans « Inglorious Bastersds », de Quentin Tarantino (18 août). Le Philippin Brillante Mendoza reçoit le prix de la mise en scène pour « Kinatay », qui dépasse la violence tout en la montrant sans fards. Quant au prix du scénario, il distingue « Nuits d’ivresse printanière », tourné clandestinement dans son pays par le Chinois Lou Ye, qui a souhaité aux cinéastes de son pays d'avoir « la liberté de travailler en toute indépendance ». C’est valable pour tous les auteurs, en ces temps de crise économique.

- « Looking for Eric », de Ken Loach

Nul besoin d’être fan de football pour apprécier le film aux deux Eric, Little Eric, le héros paumé, et Big Eric, Cantona, qui a fait les beaux jours du club Manchester United dans les années 1990. « Looking for Eric » pourrait même séduire quelques irréductibles antifoot.

Toujours est-il qu’après « le Vent se lève » et « It’s a Free World », Ken Loach et son scénariste Paul Laverty voulaient, « pour rester sains d’esprit », un projet comportant « une solide dose d’humour et d’espièglerie ». La rencontre avec Cantona, devenu producteur (la Canto Bros) et acteur et qui avait une idée de sujet avec un fan, a été le déclic.

Nous sommes donc à Manchester, où un postier nommé Eric perd les pédales, entre le regret de son grand amour perdu, les deux ados à problème qu’une autre femme lui a abandonnés et le bébé de sa fille qu’il lui faut garder de temps à autre. Il ne va même plus, avec ses copains, voir les matches de son équipe favorite. Comment il va s’en sortir, avec l’aide d’un Cantona sorti de son imagination, qui lui sert de coach, c’est toute l’histoire qui nous est racontée à coup de scènes le plus souvent cocasses et chaleureuses, toujours ancrées dans le réalisme social.

Les admirateurs de l’ex-footballeur apprécieront sûrement la façon dont quelques-uns de ses exploits à Manchester sont intégrés dans le film. Eux et les autres lui sauront gré de l’autodérision dont il sait faire preuve, lui qui a été surnommé le « King Eric ». Face à lui, les acteurs trouvés dans la région (Steve Evets, John Henshaw) ont la vérité loachienne habituelle et apparaissent très proches, touchants.

Entre nostalgie, burlesque, réflexion sur l’amitié et sur la façon de dépasser les erreurs qu’on a commises, « Looking for Eric » mérite de nombreux fans.

- « Étreintes brisées », de Pedro Almodóvar

Le cinéaste espagnol est un peu le successeur de Douglas Sirk pour les mélos flamboyants. Avec secrets de famille, amour fou, trahisons, fatalité... S’y ajoute, dans ce 24 e long métrage, la mise en abîme puisque le héros est un cinéaste et que le montage du film qu’il réalise et son making of sont des ressorts dramatiques de l’histoire. Les références cinéphiliques sont nombreuses (Rosselini, le film noir, la scène d’escalier, Jeanne Moreau...) et Almodóvar s’est beaucoup amusé à tourner les séquences du film dans le film, une comédie nommée « Filles et valises » qui doit beaucoup à « Femmes au bord de la crise de nerfs ».

Au-delà du plaisir des références et des images composées avec un art chromatique (autour du rouge) achevé, « Étreintes brisées » ne manque pas d’émouvoir, après un début un peu laborieux dans la présentation des personnages. Les plus belles scènes sont celles tournées sur l’île de Lanzarote, avec les humains écrasés par les paysages volcaniques. Difficile de ne pas être touché par leur romantisme baroque.

Penélope Cruz, bien sûr, mais aussi Lluís Homar (déjà un des personnages clés de « la Mauvaise Éducation »), Blanca Portillo, José Luis Gómez sont parfaitement entrés dans l’univers almodóvarien. Il vous tend les bras.

RENÉE CARTON

Source : lequotidiendumedecin.fr