Un livre-enquête de Christian Delahaye

Les silences et radicalisations de l'Église catholique

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Publié le 20/03/2017
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Idées-Scandales

Idées-Scandales

Comme souvent, il y a des leçons à puiser dans l'étymologie. Le scandalum, en latin, c'est la pierre d'achoppement, en hébreu le miksol, ce qui fait trébucher, mais c'est aussi l'homme par qui le scandale arrive.

Cet homme, c'est le père Bernard Preynat, prêtre lyonnais, « serial agresseur » qui a réussi au travers de moult procédures à perpétrer ses actes pendant des années. Mais c'est aussi le silence du cardinal Barbarin qui a réussi à poser un éteignoir efficace sur ces pratiques. Comme l'a exprimé le président de l'association de victimes La Parole libérée, « l'Église savait, mais n'a rien dit. Ce que les victimes souhaitent, ce n'est pas tant le procès d'un pédophile que celui du système qui fait que la pédophilie peut perdurer au sein de l'église. » 

Le second scandale semble, au contraire du premier, être passé à peu près inaperçu, dit Christian Delahaye. Alors que l'Église catholique avait « dressé une digue » contre le vote d'extrême-droite, plus d'un tiers des catholiques ont apporté leurs suffrages au Front National lors des régionales de 2015. Ce parti viscéralement attaché au rejet de l'étranger est l'héritier de l'ultra-droite conservatrice, colonialiste et antisémite. Sa tradition va à rebours du message du Christ et de son Évangile.

Chiffres à l'appui, l'auteur scrute et inventorie le catholicisme français. S'il reste la première religion, loin devant l'islam, les églises et les séminaires se vident, mais en retour apparaît une radicalisation forcenée attribuée ici au pouvoir épiscopal. Ce raidissement, cet accueil des scléroses les plus inquiétantes forment le corps de cet ouvrage de combat. Il est difficile de ne pas être emporté par sa fougue et ses illustrations.

Parmi ces scléroses, au titre d'un passé à restituer, il faut citer le retour du latin. Le pape Benoît XVI a renoncé au cadre unique, comprenez ouvert la voie à la possibilité d'un biritualisme, messe en français et en latin. Participe également à ce « saut périlleux arrière dans le Moyen Âge » le retour des reliques, sujet grâce auquel Christian Delahaye enfonce le clou. Ces reliques voyagent et sont exhibées en province, telle la Sainte Tunique présentée comme le vêtement porté par le Christ lors de la Passion. Une cinquantaine d'étoffes sont ainsi montrées de par le monde, toutes authentifiées par les évêques.

Au sommet

Il y a mieux, c'est-à-dire pire : l'auteur vise la tête, en mettant très gravement en cause Jorge Bergoglio, jésuite argentin, « pontife pontifiant », connu sous le nom de pape François, « conservateur qui dit mais ne fait pas ».

Thème à fantasmes faciles, les finances du Vatican et la douteuse gestion de son patrimoine immobilier sont bien remises en perspective et nous désignent encore le même, le grand protecteur de tous les abus.

On l'a bien compris, on se tromperait lourdement « en cataloguant le tribun Bergoglio dans le clergé progressiste », il est bien au contraire « l'homme qui perpétue tous les scandales ». Il est la cible visée longuement par Christian Delahaye, être qui se sent profondément trahi, homme en colère.

« Scandales - Les défis de l'Église catholique », Empreinte temps présent, 250 p., 16,90 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9565