À l'institut de biomécanique Georges Charpak, la santé ostéoarticulaire des sportifs à la loupe

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Publié le 21/07/2016
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ev rio

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Crédit photo : Stefan Meyer

Pour la première fois depuis les Jeux olympiques de Saint Louis de 1904, le Golf va faire, à Rio de Janeiro, son grand retour dans le programme des jeux d'été.

Pour les sportifs qui iront défendre leurs couleurs, la lombalgie est l'ennemie numéro un, et la première cause d'abandon de carrière pour les hommes (chez les femmes c'est le poignet gauche qui est le plus souvent en cause). Afin d'explorer le lien entre les mouvements répétés du golfeur et les contraintes sur les vertèbres lombaires, les chercheurs de l'institut de biomécanique Georges Charpak (école nationale des Arts et Métiers) ont tenté de modéliser précisément les mouvements des épaules, des hanches et de la colonne vertébrale. Spécialisé dans la modélisation ostéoarticulaire, et notamment dans l'étude des scolioses, l'institut Georges Charpak a tissé des liens avec les fédérations sportives, dont la fédération française de golf (FFGOLF), désireuses de données pour améliorer la prévention de blessures de leurs adhérents.

Dans le cadre de ce partenariat, un groupe de 30 golfeurs professionnels, 15 hommes et 15 femmes, ainsi que des golfeurs amateurs de plus de 50 ans et moins de 28 de handicap ont donc été recrutés et envoyés en salle de mocap (motion capture, ou capture de mouvement). Couverts de capteurs, ils ont répété inlassablement leur swing, sous les yeux de caméras spéciales et de Christophe Sauret, professeur de biomécanique à l'institut Georges Charpak. L'objectif ? Repérer les personnes ayant des morphologies à risque de lombalgie pour en prévenir l'apparition. Une connaissance plus précise des manières de jouer « sans danger » ouvrirait également la porte à la « prescription » du golf comme activité physique modérée.

Ces données ont été croisées avec les celles fournies par EOS, l'outil de radiographie stéréoscopique biplan qui trône au milieu de l'institut dans son sarcophage orange. EOS a permis de corriger les incertitudes liées à la corpulence et aux vêtements de l'individu. « EOS produit un modèle personnalisé pour chaque sportif, confie Laura Valdes, ingénieure de recherche à l'institut Georges Charpak, y compris de situer les attaches musculaires. »

Grosse pression sur les vertèbres L4 à S1

Cette thématique intéresse fortement la FFGOLF, à commencer par le Dr Olivier Rouillon, médecin fédéral et référent de l'étude : « On connaît les principaux facteurs de risques, comme le fait que les contraintes sur les lombaires articulaires postérieures sont supérieures à droite chez les droitiers, mais là, nous mesurons de façon précise la pression qui s'exerce sur les disques L5 et S1 à chaque instant du swing, ainsi que leurs positionnements », s'enthousiasme-t-il.

Le Dr Rouillon, par ailleurs médecin du sport à l'Hôtel-Dieu (AP-HP), souhaite également s'appuyer sur ces nouvelles données pour tordre le cou à l'idée reçue selon laquelle le golf serait générateur de pathologies dorsales au-delà de 50 ans. « Le golf révèle un certain nombre de choses, corrige-t-il. À partir de 50 ans, nous avons tous des vertèbres L5 et S1 un peu abîmées. Nos données montrent que la dissociation anté/rétro version du bassin est importante pour éviter les douleurs. Or, elle est très rarement acquise chez les non sportifs. »

Le Dr Rouillon note aussi l'importance de la séquence dynamique du swing : le bassin doit commencer la rotation, puis le dos, puis les épaules, et enfin le club. « Sans une bonne décomposition du mouvement, on va on va forcer, donner des à-coups, et les limitations de rotation interne droite et gauche augmentent les contraintes. » Toutes ces données doivent maintenant atteindre les moniteurs de golf pour qu'ils adaptent le swing aux pratiquants ainsi que le matériel. « À peine 25 % des gens jouent avec du matériel adapté, note le Dr Rouillon, les autres ont des clubs trop courts ou trop lourds. »

Une expérience similaire est en cours de recrutement avec les joueurs de tennis de table professionnels qui connaissent une augmentation dramatique des pathologies de hanche depuis l'introduction de sols synthétiques ayant une meilleure adhérence que les parquets traditionnels.

L'herbe est toujours plus synthétique ailleurs

Passement de jambe, accélération, petit pont… à quelques kilomètres de là, 15 footballeurs semi-professionnels du centre de formation du PSG font aussi l'objet de l'attention des chercheurs de l'institut de biomécanique Georges Charpak installé au sein de l'école nationale des Arts et métiers.

Dans le cadre d'un projet collaboratif mené avec la fédération française de football, Laura Valdes Tamayo tente de comprendre l'impact des nouveaux terrains hybrides, mélangeant fibres, caoutchouc et sable et herbe naturelle, sur la santé ostéoarticulaire. Ces nouveaux terrains garantissent aux joueurs de terrains et de rugby une meilleure adhérence, mais rien ne garantit que cela soit sans conséquence pour leurs tendons et leur fatigue.

« Sur sol mou, les performances baissent très vite, la fatigue viendra vite, mais les contraintes sur les muscles seront moindres et il y aura moins de courbatures », détaille Christophe Sauret. Dans le même ordre d'idée, un terrain qui permet d'accélérer et de s'arrêter plus rapidement pourrait potentiellement générer plus de blessures ligamentaires. Afin d'explorer cette question, Laura Valdes Tamayo a entrepris de caractériser de l'interface chaussure-terrain applicable pour le football et le rugby. Vaste programme.

Du joueur de foot au robot

Pour y parvenir elle a disposé des capteurs sur les points stratégiques du corps de ses cobayes afin de mesurer précisément les angles des articulations au cours de l'effort. Les joueurs doivent en outre faire leurs mouvements au-dessus d'une « plaque de force » chargée de mesurer la pression exercée par leur pied. En croisant ces deux sources d'information, les chercheurs de l'institut Georges Charpak sont en mesure de calculer les contraintes exercées sur les articulations.

Ce genre d'expérimentation est compliquée à mettre en place. Aussi les chercheurs tentent-ils de démultiplier les observations en replaçant les joueurs par un robot industriel doté de tibia ou d'articulations de cadavres acquis après du centre universitaire des Saint-Pères. « Pour connaître les participations respectives des différents ligaments, nous les coupons un par un et regardons la redistribution des forces », explique Christophe Sauret. « On simule les mêmes mouvements que ceux que sur le terrain, poursuit Laura Valdes, un déroulement d'une foulée complète et des mouvements de cadrage débordement. Avec suffisamment de données, nous pouvons les injecter dans un modèle numérique afin de faire des simulations ou des ligaments artificiels ».

LEGENDE POUR LES PHOTOS ENSEAM : Il faut 3 à 4 heures par sujet pour effectuer la totalité des mesures.


Source : Le Quotidien du médecin: 9513