« Don Carlo » et « Lear » repris à l'Opéra de Paris

Opéras de rois

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Publié le 12/11/2019

L’Opéra de Paris reprend deux réussites des saisons passées, avec des distributions renouvelées : « Don Carlo  » de Giuseppe Verdi (Bastille, jusqu’au 23 novembre, avec une deuxième distribution à partir du 14) et « Lear  » d’Aribert Reimann (Garnier, du 21 novembre au 7 décembre)

Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak dans « Don Carlo »

Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak dans « Don Carlo »
Crédit photo : VINCENT PONTET/OPERA DE PARIS

En attendant la nouvelle production du « Prince Igor  » de Borodine par le metteur en scène australien Barrie Kosky, qui sera le spectacle de décembre en alternance avec le ballet « Raymonda  », l’Opéra de Paris affiche deux reprises. À la Bastille, « Don Carlo  », la fresque historique de Verdi d’après Schiller, spectacle de 2017 controversé du Polonais Krzysztof Warlikowski. L’infant d’Espagne Carlos perd son « S  », puisqu’il s’agit de la version italienne dite de Modène de l’œuvre.

Avec un très vaste dispositif scénique, le drame de l’époque de Philippe II dans son sinistre Escurial est transposé dans une Espagne d’opérette qui pourrait être celle d’Alphonse XIII, avec un Grand Inquisiteur qui aurait des faux airs de général Franco. Si le drame perd de sa crédibilité historique et politique, il gagne en intensité, dans cette version plus resserrée, et les personnages paraissent plus justes.

Totalement remaniée, la distribution est légèrement moins prestigieuse qu’en 2017, mais reste au niveau des prétentions tarifaires de l’établissement. Après quelques premières représentations difficiles dues aux méformes vocales des uns et des autres, elle a trouvé son rythme avec un Roberto Alagna très à l’aise dans le rôle-titre, qu’il chante depuis longtemps. Et la reine Elisabeth d’Aleksandra Kurzak est une partenaire vocalement excellente, parfois dramatiquement un peu en retrait. Les deux basses en revanche n’étaient pas à la hauteur, avec René Pape, Philippe II décevant, en méforme vocale, et Vitalij Kowaljow, trop pâle Inquisiteur.

Un phénomène vocal interprétait la Princesse Eboli, le mezzo-soprano géorgien Anita Rachvelishvilli, énorme voix aux graves abyssaux mais trop appuyés, mettant parfois ses aigus en péril. Malgré une grande vulgarité scénique, caricature de Carmen, voulue ou non par le metteur en scène, elle a tiré la couverture à elle à l’applaudimètre. La surprise est venue du nouveau Marquis de Posa, le baryton canadien Étienne Dupuy, style châtié et ligne vocale pure, hélas pas encore très à l'aise dramatiquement.

Le chef italien Fabio Luisi a dirigé avec un superbe sens théâtral un Orchestre de l’Opéra en état de grâce.

Un succès mondial

« Lear  », l’opéra qu'en dépit de leurs désirs ni Verdi, ni Debussy, ni Britten n’ont composé, est le sujet du troisième opéra du compositeur allemand Aribert Reimann (né en 1936), écrit sur la suggestion du baryton Dietrich Fischer-Dieskau. Depuis sa création en 1978 à Munich, il a remporté un succès mondial phénoménal, avec déjà une trentaine de productions.

Créé dans sa version originale à Paris en 2016, le spectacle de Calixto Bieito a le mérite d’une grande clarté. On aurait pu craindre que les éternels costumes de ville des protagonistes masculins ne brouillent les pistes. Et que le projet vidéaste de Sarah Derendingen ne gâche la fête, comme lors de récents spectacles sur la même scène. Le livret de Claus Henneberg, plutôt touffu tout en restant fidèle à Shakespeare, a paru clair et l’action facile à suivre grâce à une direction d’acteurs efficace.

C’est aussi Fabio Luisi qui dirigera et, entouré d’une nouvelle distribution, le baryton Bo Skovhus sera certainement encore un magistral Roi Lear.

Tél. 08.09.20.89.90, operadeparis.fr

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin