Entretien

Pr Xavier Bigard : « Nous attendons énormément de ces méthodes de profilage. »

Publié le 16/06/2014
Article réservé aux abonnés
LE QUOTIDIEN : Concrètement, comment se déroule l’établissement des profils biologiques ?

PR XAVIER BIGARD : Cela répond à des règles extrêmement strictes. Il faut que les conditions de prélèvement et que la vitesse de transport et d’analyse répondent à un protocole très précis pour que l’on puisse monter un dossier de profilage. Le profil hématologique s’appuie sur quatre prélèvements successifs espacés d’environ 1 mois. Nous mesurons le taux de réticulocytes, la forme, le volume, la concentration en hémoglobine des globules rouges. Par le biais d’algorithmes, nous établissons des valeurs moyennes et un écart type pour chaque sportif. Dès lors qu’il s’en éloignera, se posera la question de savoir si l’on est face à une pathologie, à une situation physiologique, ou une utilisation de substances dopantes. Pour ce qui est du profil stéroïdien, on recherche une dizaine de dérivés des stéroïdes endogènes dans les urines, vraisemblablement à la même fréquence que pour le profil hématologique. Nous n’avons encore aucune information sur la manière dont doit se mettre en place le profil endocrinien pour lequel l’EMA n’a pas encore émis de document technique. Nous attendons énormément de ces techniques de profilage.

Certaines disciplines sont plus visées que d’autres ?

Il ne faut stigmatiser aucun sport mais il faut garder les pieds sur terre : les disciplines comme le ski nordique, les courses d’endurance ou le cyclisme qui bénéficient plus d’une augmentation du transport de l’oxygène sont plus à risque que la boxe, l’haltérophilie ou le tir à l’arc. Nier cette évidence-là, c’est être à côté de la plaque.

Les glucocorticoïdes sont la substance la plus souvent détectée lors des contrôles, et leur part augmente régulièrement. Pourquoi un tel « engouement » ?

Ca reste un vrai mystère. Certes, l’action anti-inflammatoire aide à la récupération des sportifs dans un contexte de courses à étapes et les glucocorticoïdes ont des effets centraux sur l’agressivité, la motivation et la capacité à résister à la douleur. Mais à côté de cela, ils affectent la freination de la surrénale, sont hyperglycémiant et amyotrophiant, ce qui n’est pas compatible avec de bonnes performances sportives. Il ne faut pas non plus oublier les contrôles positifs liés à l’automédication non contrôlée. Il faut se mettre à la place des sportifs qui, sans un encadrement médical important, font face à des douleurs. Ils vont voir un médecin du sport qui leur explique les longues démarches d’AUT. Leur réflexe, c’est d’aller piocher dans l’armoire à pharmacie.

Quelles sont les nouvelles substances entrées dans l’arsenal des dopés ?

La question du tramadol est très embêtante. Cet antalgique de classe II est connu pour provoquer des sensations vertigineuses et parfois des phénomènes de pharmacodépendances. On observe des taux de contrôles positifs qui atteignent 80 % dans certaines disciplines impliquant des phases d’entraînement lourdes avec des douleurs résiduelles. Le tramadol n’est pas interdit pour le moment mais fait l’objet d’une procédure de surveillance de la part de l’AMA. Il est probable qu’elle rentre dans la liste des substances interdites, mais ce n’est pas gagné : des confrères internationaux voient d’un mauvais œil que l’on retire cette substance de l’arsenal des médecins traitants.

Propos recueillis par Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9335