CLASSIQUE - « Francesca da Rimini » à l’Opéra de Paris

Ramage et plumage

Publié le 07/02/2011
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Crédit photo : M. MAGLIOCCA

PEUT-ON parler de nouvelle production pour cette démonstration de théâtre poussiéreux venue de Zurich et Trieste ? N’aurait-on pas pu, pour faire entrer au répertoire et défendre une œuvre assez injustement oubliée du répertoire vériste italien, lui donner la chance d’une mise en scène plus fraîche et moins lourde ? Celle-ci, par sa prétention à une fidélité au monde de Gabrielle d’Annunzio plutôt qu’à son contexte médiéval originalement décrit par Dante, oblige à deux entractes et deux longs précipités qui allongent un opéra dont la qualité est d’aller droit aux faits, et cassent sa progression dramatique.

Le public de la première a copieusement hué le metteur en scène italien et son équipe alors que les chanteurs ont reçu des ovations méritées. Il est vrai que, contrairement au corbeau de la fable, le ramage de cet oiseau exotique dépassait de loin son plumage ! Le retour à l’Opéra de Paris du ténor vedette Roberto Alagna, dans une forme éblouissante, n’a pas déçu, il était fort bien entouré et l’orchestre dirigé par Daniel Oren a excellé dans un répertoire qui ne lui est pas familier.

On a entendu Alagna dans bien des opéras, presque toujours très convaincant, mais il y a longtemps qu’un rôle ne lui avait aussi bien collé à la voix et à la peau, comme le Roméo de Gounod de ses débuts. Celui de Paolo, l’amant de Francesca, bien mal mariée à l’un de ses frères, qui mettra fin à l’adultère en les tuant tous deux, lui permet de chanter sans jamais forcer ni outrepasser sa tessiture, avec un style et des couleurs semblant d’un naturel parfait. Naturel du jeu aussi parmi des comparses partagés entre l’excès pour certain ou la mignardise pour les autres. À la Bulgare Svetla Vassileva manquaient un peu charme et style, même si elle chantait le rôle-titre de façon irréprochable. Magnifiques, les deux frères Malatesta, l’abject Malatestino du ténor américain William Joyner et surtout le Giovanni du baryton-basse géorgien George Gagnidze, grande, saine et noble voix, redoutable dramatiquement.

Opéra de Paris-Bastille (tél. 0892.89.90.90 et www.operadeparis.fr) jusqu’au 21 février. Places de 5 à 180 euros. Diffusion en direct sur Mezzo et Mezzo Live HD le 16 février et à une date ultérieure sur France Télévisions. Sur France Musique diffusion en direct le samedi 19 février. L’Opéra de Paris propose les 8 et 11 février à l’Amphithéâtre Bastille, des programmes « Convergence » autour de l’œuvre de Zandonai, par le pianiste Bruno Canino et le Quatuor Aron. « L’Avant-Scène Opéra » a publié en novembre 2010 un passionnant numéro spécial sur « Francesca da Rimini », avec livret, analyses, iconographie, études et disco-vidéographie de l’œuvre.

OLIVIER BRUNEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8901