« Hors Normes », « Sorry We Missed You »

Se battre pour les plus vulnérables

Par
Publié le 24/10/2019

La réalité la plus dramatique, celle de personnes en grande vulnérabilité et précarité dans notre société, celle qu'on ne veut pas voir, est dans les films de Toledano-Nakache et de Ken Loach. Et pourtant on en sort réconfortés : le combat est possible et utile. D'autant plus réconfortés que « Hors Normes » et « Sorry We Missed You » sont à leur manière des comédies.

« Sorry We Missed You »

« Sorry We Missed You »
Crédit photo : JOSS BARRATT

En France, il manque 37 000 places pour l'accueil des autistes. Stéphane Daoud, avec son association Le Silence des Justes*, prend en charge dans une structure d'urgence médicalisée ouverte 24 heures sur 24 des enfants et adolescents autistes, des cas hypercomplexes pour lesquels il n'y a souvent aucune solution. Il travaille avec Daoud Tatou (Le Relais IDF*), qui organise des activités dans la journée pour ces personnes laissées sans solution et œuvre à l'insertion de jeunes de quartiers difficiles en les formant comme encadrants.

Éric Toledano et Olivier Nakache connaissent depuis longtemps les deux hommes et leur travail, auquel ils ont consacré un documentaire. Avec « Hors Normes »« une comédie, c'est notre façon de nous exprimer » –, ils nous font vivre avec autant d'empathie que d'efficacité cinématographique le combat pour améliorer la vie de ces jeunes exclus. Tourné avec de vrais autistes et de vrais encadrants, le film suit ses deux personnages principaux (et ses deux vedettes, Vincent Cassel et Reda Kateb, excellents) sans jamais sacrifier les autres, mis sur le même plan.

Les cinéastes d'« Intouchables » et du « Sens de la fête » ont réussi un film émouvant et souvent souriant, qui donne envie de se battre pour ces jeunes, au lieu, comme souvent, de détourner le regard.

Les nouveaux esclaves

S'il en est un qui nous permet de ne pas désespérer de notre monde tout en en montrant l'horreur économique, ici les méfaits de l'ubérisation, c'est bien Ken Loach. Dans « Sorry We Missed You », le cinéaste et son indispensable scénariste Paul Laverty nous emmènent à Newcastle auprès d'une famille – père, mère, deux enfants dont un ado – qui fait tout pour s'en sortir. Le père se lance en travailleur indépendant dans la livraison de colis, tandis que son épouse est payée une misère comme auxiliaire de vie de personnes âgées, auprès desquelles elle passe toujours plus de temps que ne le prévoit le système.

« La technologie est nouvelle mais l'exploitation est vieille comme le monde », relève Ken Loach, moins que jamais résigné. Au plus près de ses personnages, de leurs difficultés et de leur résilience, dans des scènes souvent cocasses, le réalisateur montre une nouvelle fois que « l'espoir, c'est quand des gens se battent ».

Et aussi

Parmi les autres nouveautés de la semaine, « 5 est le numéro parfait », histoire de gangsters adaptée par l'Italien Igort de son roman graphique du même nom, avec Toni Servillo ; « Au bout du monde », du Japonais Kiyoshi Kurosawa, qui suit une jeune femme chargée d'un reportage en Ouzbékistan, un voyage initiatique ; et « Terminator : Dark Fate », 6e film de la série mais suite du deuxième (« le Jugement dernier »). Pour les jeunes, le dessin animé « Abominable », pour partir du côté de l'Everest avec un jeune garçon et un yéti ; une production américano-chinoise (Dreamworks-Pearl Studio) qui provoque des remous en Asie en raison d'une carte reflétant les prétentions du pays de Xi Ping en mer de Chine.

Pour les cinéphiles, George Wilhelm Pabst en 12 grands films en version restaurée qui sortent en salles et en DVD le 30 octobre, tandis que la Cinémathèque lui consacre une rétrospective du 30 octobre au 25 novembre.

* https://lesilencedesjustes.fr, www.lerelaisidf.com

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin