Au Grand Palais, au musée de l'Orangerie

Toulouse-Lautrec, Félix Fénéon et les temps nouveaux

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Publié le 17/10/2019

Au Grand Palais, « Toulouse-Lautrec- Résolument moderne », un nouveau regard sur l'artiste en 200 œuvres. Au musée de l’Orangerie, un de ses premiers défenseurs, Félix Fénéon, anarchiste, découvreur des néo-impressionnistes, galeriste et collectionneur d'art (« Félix Fénéon-Les temps nouveaux, de Seurat à Matisse »).

Toulouse-Lautrec, « Conquête de passage (Étude pour Elles) », 1896

Toulouse-Lautrec, « Conquête de passage (Étude pour Elles) », 1896
Crédit photo : DANIEL MARTIN

Toulouse-Lautrec (1864-1901) a inventé un style propre à son époque, un réalisme pictural pour ce monde de la nuit qu’il a choisi. Après sa formation aux Beaux-Arts, il s’éloigne du classique et, influencé par les estampes japonaises, la photographie et le cinéma, trouve sa manière pour décrire la temporalité de l’époque avec l’art du cabaret. Ses scènes sont réalisées à partir de dessins pris sur le vif. Il travaille souvent sur du carton avec des rayures et hachures, montre le mouvement, use des éclairages contemporains.

Il invente aussi l’art de l’affiche et Aristide Bruant, propriétaire du Moulin Rouge ne s’y trompe pas. Placardées dans les rues, elles lui font une grande publicité. La Goulue y dévoile ses dessous et ses « coups de cul », l’éclairage électrique dramatise les scènes et les visages, les courbes de la composition dynamisent l’ensemble. Yvette Guilbert, dont il réalise des portraits très expressionnistes, refuse ses affiches, car elle veut aller dans des salles plus convenables – Freud, lors de son séjour à Paris chez Charcot, aurait été amoureux d’elle. Et quand il représente Loïe Fuller dans ses voiles, on la voit danser littéralement. Pour exposer, il choisit l’avant-garde à Bruxelles avec le salon des XX et Londres.

Pour se faire connaître, l'artiste s’appuie sur la presse, « le Courrier français », « Paris illustré », « la Revue blanche », et la critique d’art, avec Félix Fénéon et Huysmans. Dans l’intimité des femmes des maisons closes, il est beaucoup moins scabreux que Degas, et c’est davantage une intimité féminine au quotidien qu’il représente, comme dans « l’Attente pour la visite médicale ». Une vie alcoolisée portée sur les plaisirs ne l’empêche pas de décrire avec son grand talent et sans jugement de valeur le nouveau monde qu’il s’est choisi, laissant transparaître une certaine tendresse.

Néo-impressionnistes et arts africains

Félix Fénéon (1861-1944), un des premiers défenseurs de Toulouse-Lautrec, est critique d’art dans des revues anarchistes avant de devenir rédacteur en chef de « la Revue blanche » des frères Natanson de 1896 à 1903. Après avoir découvert Seurat en 1884 avec « Une baignade à Asnières », il invente le terme néo-impressionnisme et sera le premier critique des pointillistes, Signac, Cross, Van Rysselberghe, Luce. Au sein de la galerie Bernheim-Jeune, dont il devient directeur artistique en 1906, il les expose et organise la première exposition du groupe futuriste italien en France, des fauves Matisse et Van Dongen, de Max Ernst et aussi des sculptures et objets d’Afrique et Océanie, ce qui est totalement novateur.

Fénéon commence une collection avec ces mêmes artistes. C’est ainsi qu’il expose chez lui la « Poseuse de face » de Seurat et une statue féminine Baga guère plus ancienne de Guinée. Le musée du Quai Branly avait présenté au début de l’année sa collection d’art primitif. Avec l’exposition de l’Orangerie, qui réunit peintures et dessins de Seurat, Signac, Degas, Bonnard, Modigliani, Matisse, Derain, Severini, Balla, etc., des pièces africaines et océaniennes, ainsi que des documents et archives, sa riche personnalité est mieux cernée.

 

Les deux expositions jusqu'au 27 janvier 
www.grandpalais.fr
www.musee-orangerie.fr

Caroline Chaine

Source : Le Quotidien du médecin