ARTS - À Evian, Daumier, Steilen, Toulouse-Lautrec

Trois comédies humaines

Publié le 18/02/2011
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Crédit photo : S. PONS

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Crédit photo : ROGER-VIOLLET

ON DISAIT de Toulouse-Lautrec qu’il croquait ses contemporains comme le loup. La même image pourrait s’appliquer à Théophile Alexandre Steinlen et à Honoré Daumier. Ces trois peintres et dessinateurs célèbres eurent en commun de restituer brillamment dans leurs œuvres, avec ferveur et acuité, l’effervescence artistique du Paris « fin de siècle », les travers de leur époque, mais aussi les mœurs, les plaisirs et les divertissements. Ils se firent les témoins de leur temps, notamment en publiant leurs dessins dans la presse quotidienne, qui connaissait, en ces années agitées, un formidable essor. L’exposition du Évian illustre les filiations entre ces inlassables chroniqueurs de l’actualité. Le parcours est organisé en deux parties distinctes, l’une consacrée au jour et à l’agitation de la rue, et l’autre à la nuit, au monde des spectacles, aux « plaisirs interdits », etc.

Chez Daumier (1808-1879), l’illustre satiriste politique et social, la verve et la causticité se lisent à chaque étape de son travail, où l’on distingue des élans de hardiesse, poussés à l’extrême. Une expressivité qui frôle l’avant-gardisme. L’artiste utilisa au fil du temps de moins en moins de matériaux et, avec une économie de moyens surprenante, il réalisa ses plus belles œuvres, épurées, dans lesquelles on peut déceler l’annonce de l’abstraction. Tout respire la virtuosité et l’humour. Baudelaire ne s’y trompait pas qui voyait en Daumier « l’un des hommes les plus importants (…) pas seulement de la caricature, mais encore de l’art moderne » et dont le dessin fut si proche de celui des « grands maîtres (…), abondant, facile, [et d’une] improvisation suivie ». Daumier s’engagea dans des attaques insolentes, cyniques et cruelles. Il caricatura les bourgeois ventripotents, les hommes politiques corrompus, les juges et les avocats, « les misères du ménage », les dîners en ville, les petits commerçants, les passants sur les grands boulevards, les clients attablés aux brasseries...

De leur temps.

Toulouse-Lautrec (1864-1901) livra quant à lui ses visions de Montmartre, du Moulin Rouge, de la Goulue, d’Aristide Bruant, des cabarets et des maisons closes, de l’esprit « canaille » de Ménilmontant, de la vie de bohème, des boudoirs, des spectacles et des concerts, du cirque... Ses œuvres sont pleines d’un humour savoureux, riches d’innovations. On ne se lasse pas d’en contempler les superbes graphismes, jeux de lignes, courbes et entrelacs, motifs japonisants et délicats, formes cernées, silhouettes contrastées…

Avec Steinlen (1859-1923), qui se fit particulièrement connaître pour avoir illustré les chansons d’Aristide Bruant au cabaret Le Chat Noir, l’observation de la vie quotidienne est également poussée à son comble. L’artiste mit notamment son art au service des humbles, de l’injustice, des pauvres. Dans ses travaux, l’on perçoit la profondeur du regard et l’immense tendresse avec laquelle il abordait ses sujets.

Ces artistes populaires souscrivent pleinement à la formule de Daumier qui disait : « Il faut être de son temps ! » Leurs œuvres, profondément modernes, révolutionnaires à beaucoup d’égards, traduisent des émotions fortes et témoignent d’une société en pleine mutation. Elles mettent en lumière les grandeurs et les misères des hommes.

Palais Lumière, Quai Albert Besson, tél. 04.50.83.15.90. Tlj de 10 h 30 à 19 heures (lundi de 14 à 19 heures). Jusqu’au 8 mai. Catalogue, éd. Somogy, 192 p., 35 euros.

DAPHNÉ TESSON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8909